Michel Onfray : Les Vertus de la foudreJournal hédoniste, tome 2
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Michel Onfray : Les Vertus de la foudreJournal hédoniste, tome 2

En cette époque de coupures et de restrictions tous azimuts, de régimes amaigrissants et d’intégrisme de la santé (faut pas bouffer ci, faut pas fumer ça…), il est pour le moins réjouissant de percevoir les échos d’une philosophie de la générosité, de l’abondance, de… l’imprudence! Avec ce second volume de son Journal hédoniste (qui en annonce un troisième), Michel Onfray met de l’avant une fort nourrissante apologie des Vertus de la foudre.

Ainsi qu’il l’expliquait en introduction au volume précédent (publié il y a deux ans sous le titre du Désir d’être un volcan), Onfray propose avec cette série d’ouvrages une réflexion sous forme d’archipel. Chaque texte s’y présente comme une île. Les Vertus de la foudre se penche sur plus d’une trentaine de sujets, cela dans des écrits dont les titres sont à eux seuls un sapré programme: les «Sept péchés capiteux», «Politique de la gastronomie», «Célébration du gaz lacrymogène», «La gaieté ennuyeuse», «Gynécologie des Précieuses», etc. Le tout constituant un ensemble balayé par les mêmes courants de rébellion, le même sentiment d’urgence.
Dans «Le monde des voleurs de feu», Onfray offre des pages qui sauront certainement allumer les amateurs de cigares: «La cigarette est pathologique, démocratique au sens donné par Baudelaire à ce terme. […] La cigarette est la production indéfinie d’un objet type de l’ère mécanique pour laquelle les sensations et les émotions sont calibrées, reproductibles et voulues dans les limites de la pure et simple réitération; le cigare offre à chaque fois un produit différent, un composé complexe d’éléments qui réagissent à toutes les variations possibles, il est la revendication de la différence cultivée.»

Quant à ceux qui bûchent sur leurs travaux universitaires, ils souriront lorsqu’ils liront ces lignes sur «la technique laborieuse qui réduit le sérieux à la citation, aux références et à la preuve de l’existence qu’on a plus lu que compris».

En fin de compte, Les Vertus de la foudre suit le fil d’une idée toute simple: on se doit de prendre des risques si on désire avoir des chances de changer les choses, d’en découvrir de nouvelles. Ce qui n’aura certainement pas l’heur de plaire aux «économes, [… aux] anxieux étourdis par l’envergure. Ceux que l’avenir effraie […]. Le passé les comble et leur fournit une dimension de prédilection, là tout est rangé, calme, immobile. Ce qui advient est fort de toutes les surprises possibles: la vitesse sollicite ces probabilités sur le mode ludique.»

Écrit dans une langue toute en vivacité, sans tomber trop souvent dans l’étalage de culture qui caractérise la rhétorique de nombre de penseurs de notre temps, Les Vertus de la foudre est une lecture stimulante, proprement électrisante, dans laquelle Michel Onfray réussit à nous convaincre qu’il faut cesser de… s’économiser! Qu’il n’y a qu’une seule façon de bien vivre: en étant un bon vivant! Éd. Grasset, coll. Figures, 1998, 375 p.