Pierre Gobeil : Sur le toit des maisons
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Pierre Gobeil : Sur le toit des maisons

Après Dessins et Cartes du territoire (Grand Prix du livre de Montréal, 1993) et Cent Jours sur le Mékong, Pierre Gobeil trace cette fois la géographie de la Vieille Capitale et, surtout, celle des rêves de deux grands adolescents, allumés par le désir de l’ailleurs, des territoires à découvrir, des aventures à vivre.

Le narrateur de Sur le toit des maisons revient ainsi sur les traces de son passé, jusqu’à cette dernière nuit vécue en compagnie de son meilleur ami – jamais nommé: seuls les lieux sont minutieusement recensés dans ce roman très descriptif -, alors que ces deux membres de la très sérieuse Société de géographie quittent brusquement leur bal de finissants pour parcourir la ville, sans jamais toucher terre.

Sautant d’un toit à l’autre, ils feront l’inventaire aérien de leur monde, dans l’aube levante du premier jour de l’été. Un drame scindera le récit en deux – à l’exemple de la vieille cité, divisée entre Haute et Basse Ville -, le narrateur devant continuer son exploration seul, et poursuivre malgré tout leur rêve d’aller plus haut, plus loin.

Ce court roman se fixe donc précisément à l’instant charnière où le printemps devient l’été, et où les collégiens d’hier basculent dans l’âge adulte. Un carrefour transitoire qui ouvre sur tous les possibles («le premier jour de notre vie»), mais qui sonne aussi, peut-être, la fin de la complicité, des illusions les plus folles et les plus merveilleuses de l’enfance. Qui débouche sur l’inévitable trahison du monde adulte. «Il a dit: "Tu crois que c’est sérieux les projets que nous faisons, nos serments…" puis il a rajouté: "Pourquoi les autres n’ont-ils pas tenu leurs promesses avant nous?"» Ce n’est là qu’une des (trop) nombreuses questions insolubles qui traversent le bouquin. Des questions en tous genres, le narrateur se demandant aussi bien comment raconter cette histoire, s’il aurait pu changer le destin, ou si l’auteur du Temps des cerises a été injustement spolié de sa popularité par son interprète…

Inscrite dans le récit dès le départ, la tragédie qui plane sur le roman ne le charge pourtant pas de densité. D’une écriture inégale, parfois lyrique mais non dépourvue de formules maladroites («Comment répondre à cette question qui veut savoir si on a atteint son but?»), le parcours de ce jeune homme qui, au matin de son aventure, «n’est plus tout à fait le même» demeure convenu. Rien n’étonne ou ne parvient à vraiment captiver, ni la banalité des interrogations, ni le destin par trop prévisible du compagnon. Il faut dire que le récit initiatique, chargé de nostalgie, est un genre mille fois revisité, que Gobeil ne renouvelle guère ici. Éd. Lanctôt, 1998, 113 p.