Un train de glace : Jacques Savoie
Après Le Cirque bleu (1995) et Les Ruelles de Caresso (1997), le romancier et scénariste Jacques Savoie publie Un train de glace, dernier volet d’une trilogie dans laquelle il explore les aléas amoureux et familiaux de ses héros, Marthe et Hugo Daguerre.
Cette fois, il nous entraîne loin de Montréal, dans ce bout du monde que constitue l’île d’Entrée, au large des îles de la Madeleine. A la recherche de son père naturel, Marthe va s’y découvrir une famille assez inattendue. L’hostilité d’habitants issus d’unions consanguines, un mystérieux codicille, la tempête du siècle, les dangers et péripéties vont se multiplier sur le chemin du couple. Y survivra-t-il?
Qui a lu les deux premiers romans de la trilogie sait que Marthe et Hugo portent le même nom de famille et qu’ils ont longtemps cru être demi-frère et demi-sour. Après avoir compris que le détesté libraire Victor Daguerre, père de Hugo, n’était pas son père à elle, Marthe lance un avis de recherche sur Internet pour retracer celui qui lui a donné la vie avant d’être chassé par la famille. Il se nomme François Bérubé et c’est donc de l’île d’Entrée qu’elle reçoit un courriel de François Bérubé fils.
«Caillou minuscule» au milieu du golfe du Saint-Laurent, l’île abrite cinquante et un habitants exactement, tous anglophones sauf le père de Marthe et deux demi-frères aussi différents qu’opposés l’un à l’autre. En fait, il s’agit de quatre familles, les Brown, les Donaghue, les McCarthy et les Johnson, qui depuis des décennies se marient entre eux, au risque d’une dégénérescence causée par la consanguinité. Contre ce mal annoncé, le vieux François Bérubé, grand seigneur de l’île où il a su prospérer, a imaginé se servir du retour de sa fille pour tenter d’amener du sang neuf, au grand dam des habitants.
Au moment où débute le roman, Hugo est seul dans le train qui les ramenait, Marthe et lui, après un séjour éprouvant dans l’île. Mais la série des épreuves n’est pas terminée: Marthe a disparu en pleine nuit, le train est immobilisé dans la tempête, et Hugo va entreprendre une chasse à l’homme sur les routes de la Gaspésie. Marthe, laissée pour morte dans un banc de neige, sera recueillie par une vieille ermite et Hugo se retrouvera à son point de départ, aux îles de la Madeleine…
L’auteur des Portes tournantes a un savoir-faire indéniable dans la narration et l’installation d’un climat, dans la création de personnages bien concrets, attachants. Il a tendance, cependant, à surcharger l’intrigue. Son écriture simple, sans effets de littérature, a la qualité d’aller à l’essentiel et le défaut de parfois couper court, de tourner les coins ronds. L’écrivain serait-il victime du scénariste en lui? Mais ne boudons pas notre plaisir, sa trilogie est une entreprise sympathique, dont subsisteront quelques images et moments mémorables, comme, dans Un train de glace, la pluie de vaches à l’ossuaire du Grand Cap, sur l’île d’Entrée. Ça, il fallait l’imaginer! Éd. La Courte Échelle, 1998, 222 p.