Kim Stanley Robinson : S. O. S. Antarctica
Kim Stanley Robinson est né en 1952, aux États-Unis. Formé en langue et littérature, il écrit des romans de science-fiction depuis le milieu des années quatre-vingt et a connu un énorme succès avec sa trilogie sur Mars (Mars la rouge, Mars la verte, Mars la bleue, tous traduits en français), qui lui a valu plusieurs prix prestigieux (Nebula, prix remis par ses pairs, puis le Hugo, prix du public).
Pour écrire sur Mars, Robinson s’était documenté sur la région la plus hostile sur Terre, l’Antarctique, tant son relief, sa géographie se rapproche de Mars, selon ce qu’on en sait.
C’est ce qui a mené Robinson à séjourner plusieurs semaines à la National Science Fondation, basée en Antarctique, pour écrire S. O. S. Antarctica, un roman de science-fiction écolo nourri de recherches scientifiques observées sur place, et qui se déroule dans un futur pas si lointain… «Il y avait plus de dix milliards d’habitants sur Terre, et le Dow Jones dépassait allègrement la barrière des dix mille. La moyenne des températures mondiales avait grimpé de dix degrés en l’espace d’un siècle (…)»
Le héros de Robinson, Wade Norton, est dépêché à McMurdo, base américaine établie sur le pôle, par un sénateur délinquant qui a décroché de la vie politique mais qui continue d’agir à sa manière. Norton est chargé de le tenir au courant de tout ce qui se passe sur ces lieux convoités par toutes les multinationales.
Le roman débute par une scène spectaculaire, dans laquelle le conducteur d’un train (le Spot) voit son wagon littéralement enveloppé dans un grand plastique noir, perdant tout contact avec l’extérieur; lorsqu’il peut enfin sortir, il manque l’un des dix wagons. Nous venons d’assister à un épisode d’ecotage (néologisme formé à partir des termes «écologie» et «sabotage»), un terrorisme doux que préconise Robinson tout au long de son récit. C’est que des industriels cherchent à expurger le continent de tout ce qu’il reste de pétrole sur la Terre, et ruinent l’un des derniers endroits de la planète où la nature n’est pas encore trop amochée.
Près de la base de McMurdo, des groupes de visiteurs, guidés par la très «jamesbondienne» Val, pratiquent des trekkings sur les traces des premiers explorateurs venus, au dix-neuvième et au vingtième siècle, découvrir ces sites sauvages et meurtriers. Robinson renvoie à plusieurs reprises, au long de son roman, aux récits de voyages de ces aventuriers (Scott, Amundsen), ce qui lui permet de donner la mesure des progrès technologiques des dernières années. Car c’est évidemment sur le plan de la science et des technologies que ce roman prend tout son envol. L’Antarctique offre un décor de rêve pour tout amateur de science-fiction, et l’écrivain, lui, déploie toutes les ressources de son imagination: des expériences sur la lumière de la glace aux escalades de glaciers enpassant par l’exploration des crevasses, les intrigues et rebondissements reposent sur des prouesses scientifiques, des situations périlleuses. Mais ce roman habilement mené (et très cinématographique) est celui d’un utopiste, avec toute la dimension sociale et politique que cela implique. Éd. Libre Expression, 1999, 522 p.