Michael Connelly : Créance de sang
Livres

Michael Connelly : Créance de sang

Sans conteste, l’une des valeurs sûres du thriller américain, avec à son actif des titres comme Le Poète, La Glace noire et La Blonde en béton, Michael Connelly, ex-journaliste d’affaires criminelles, délaisse son flic fétiche, Hyeronymus Bosch, pour explorer les états d’âme d’un ancien du FBI, Terry McCaleb, qu’une transplantation cardiaque a forcé à la retraite.
Ex-traqueur de serial killers, McCaleb vit doucement sa convalescence sur son bateau ancré dans la région de Los Angeles. Bon élève, il suit avec assiduité les recommandations de sa cardiologue, laquelle sera toujours là pour lui rappeler la chance qu’il a eue de trouver un cour, étant donné la rareté de son groupe sanguin.

Cependant, le justicier sommeille toujours en lui; et l’apparition de Graciela Rivers a de quoi le réveiller. La jolie dame l’implore d’enquêter sur le meurtre de sa sour, Gloria, crime que la police de L.A. n’a toujours pas résolu. Sans doute un autre dossier bâclé, caché dans le milieu de la pile des affaires sans envergure. Si bien que notre homme n’est pas trop chaud à l’idée de reprendre du service, entre autres pour des raisons de santé, il va sans dire. Jusqu’à ce que Graciela assène à Terry le coup de grâce: le cour qui bat maintenant en lui fut jadis celui de Gloria! En étant froidement assassinée, elle lui a sauvé la vie. D’où la «créance» invoquée dans le titre. Une méchante dette que le très pur McCaleb s’obligera de tenter, à tout le moins, de rembourser, nous entraînant avec lui dans une cavalcade de rebondissements qui frise l’invraisemblable tellement le hasard est bombardé de coïncidences. Mais on marche; on lui mange dans la main. Efficace.

La table est mise pour l’édification d’un nouveau héros. Surtout qu’il a tout contre lui. N’étant plus membre en règle de la fraternité flicarde, il ne guère compter sur la grosse machine de renseignements des différents corps policiers. Heureusement, quelques amis de longue date l’aideront clandestinement. Et il bénéficiera de la confiance d’une femme inspecteur. Parce que les hommes voient plutôt d’un mauvais oil l’irruption de cette vieille gloire du FBI dans leur dossier. S’il parvenait à résoudre l’énigme, ce serait mauvais pour leur carrière… Comme quoi le crime est d’abord payant pour les flics. Et notre héros est malade en plus; il n’en sera que plus attachant.

Dans l’ouvre de Connelly, l’enquêteur honnête et juste qui traque sa proie contre vents et marées est souvent intimement impliqué dans l’affaire. Ces conflits d’intérêt (c’est le cas dans Le Poète, où un jumeau journaliste enquête sur la mort de son frère flic) renforcent la charge émotive investie par le détective dans son enquête, rendant ses romans plus poignants, en dépit du flot d’hémoglobine qui y déferle.

Il n’est pas surprenant d’apprendre que Clint Eastwood adaptera ce livre au cinéma. Franchira-t-il la frontière que Connelly a soigneusement évité de traverser, celle des bons sentiments? On peut déjà avancer sans se tromper que le roman est meilleur que le film, avant même le premier tour de manivelle… Éd. Seuil Policiers, 1999, 462 p.