Dominique Fernandez : Rhapsodie roumaine
Romancier – prix Médicis en 1974 pour Porporino ou Les Mystères de Naples et prix Goncourt en 1982 pour Dans la main de l’ange -, essayiste, passionné de peinture et d’architecture, traducteur de Goldoni et de Pasolini et critique littéraire, Dominique Fernandez a aussi publié de nombreux récits de voyages, dont une dizaine illustrés par le photographe et architecte sicilien Ferrante Ferranti. Après, notamment, l’Italie, Prague, le Portugal, le Brésil et Saint-Pétersbourg, l’écrivain a parcouru la Roumanie d’après Ceausescu et livre, avec Rhapsodie roumaine, un portrait détaillé, captivant et riche de la culture historique, musicale, architecturale et littéraire de ce pays méconnu qu’il a su montrer dans sa diversité et ses contradictions.
«On ne parle en France de la Roumanie que lorsque quelque scandale retentissant indigne ou apitoie l’opinion. Jamais un mot, dans les médias, sur les beautés et les trésors de ce pays, sur les campagnes encore vierges, la variété de ses paysages, tour à tour de plaines, de montagnes, maritimes, lagunaires, sur la merveille du delta, sur le charme des villes, sur la splendeur des monastères et des châteaux, ni sur la force morale, le courage d’un peuple que cinquante ans de tyrannie et de misère n’ont pas abattu…», écrit Fernandez, qui dit avoir visité la Roumanie comme on visite l’Italie ou l’Espagne, en flânant, en parlant aux gens. Ainsi a-t-il voulu, autant que possible, éviter d’aborder la politique, sans omettre toutefois les effets dévastateurs qu’a pu avoir le régime communiste sur le paysage culturel et sur l’esprit des gens.
Partant du Nord-Ouest, du Maramuresh et des régions de montagnes isolées de la Bucovine, dans ce «coin d’Europe oublié par l’Histoire», où se cachent au fond des vallées des monastères du Moyen Âge superbement conservés, l’écrivain et le photographe font un tour du pays exhaustif. Traversant la Moldavie à l’est, en descendant jusqu’aux canaux sauvages du delta, ils reviennent ensuite vers Bucarest pour finir leur périple dans la mythique Transylvanie. Mais surtout, ils s’arrêtent dans les villes, les villages, passent un moment avec les habitants pour partager un repas, sont accueillis par de pseudo-représentants culturels français qui y trouvent leur profit. Ils croisent aussi des familles de tziganes, exclus détestés par la population.
À chaque étape, Dominique Fernandez, avec l’érudition qu’on lui connaît, décrit les beautés architecturales, évoque la vie et l’ouvre d’artistes roumains célèbres, du musicien George Enesco aux écrivains Panait Istrati, Mircea Eliade, Emil Cioran, Tristan Tzara et Eugène Ionesco, en passant par le sculpteur Brancusi. Il entre dans les ateliers d’artistes inconnus, visite «le Château», le fameux palais Ceaucescu de Bucarest, ouvre démesurée d’un tyran mégalomane, sujet de honte dont la nouvelle Roumanie ne semble pas trop savoir que faire. Les photographies magnifiques de Ferrante Ferranti rendent bien l’atmosphère mystérieuse des édifices et la grâce des visages. Cette Rhapsodie roumaine, hommage amoureux à ce pays apparemment hors du temps, mélange d’Orient et d’Occident, donne le goût d’y aller voir… Photographies de Ferrante Ferranti, Éd. Grasset, 1998, 288 p.