Robert Charlebois : On dirait ma femme …en mieux
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Robert Charlebois : On dirait ma femme …en mieux

On le sait, Robert Charlebois, le chanteur, vieillit plutôt mal. Et Robert Charlebois, l’homme d’affaires, brasse de la bière et pète de la broue là-dessus. Mais la naissance de Robert Charlebois, l’écrivain, en est une très difficile. Un accouchement pénible pourtant célébré en grande pompe par les médias voraces qui croquent dans la célébrité, peu importe ce qu’elle colporte. Parce qu’il est évident qu’un pauvre auteur anonyme n’aurait jamais trouvé d’éditeur avec un tel roman.

Le héros (vous pouvez déjà sourire de dépit mais ce n’est qu’un début) se nomme Samson Micreault. Alter ego de Charlebois, il est chanteur et… brasseur. À bord d’un vol, en première classe, qui l’amène d’Europe aux Antilles, où il possède une de ses trois maisons et où il doit retrouver son épouse adorée et ses enfants pour célébrer le Nouvel An qui mettra fin au millénaire, les hasards du jet set l’abandonnent aux côtés d’une bombe de sexe.

Laura de La Raie écrit de la littérature érotique. Elle va rejoindre son mari, un joueur de soccer réputé qu’on dit jaloux et violent. Et ce qui ne devrait pas arriver survient, bien sûr. Coup de foudre réciproque qui provoque une érection indomptable et des chaleurs incontrôlables, qui culminent alors que l’avion traverse une zone de turbulences particulièrement érogène.

Ainsi résumé, ce roman prétendument érotico-comique peut presque sembler excitant. Sauf que ce n’est ni érotique, ni comique. Les calembours sont plus gras qu’au Théâtre des Variétés. On ne parle même plus d’esprit de bottine; non, on préfère encore les grosses jokes cochonnes du mononcle saoul qui gâche les partys de famille. Même les ados boutonneux vont trouver que c’est débandant. Charlebois revendique un caractère ludique; mais c’est de l’infantilisme qui transpire. Il se réclame de Réjean Ducharme; mais on dirait Roméo Pérusse …en pire. Je vous épargne les exemples car vous en trouverez en ouvrant ce livre à n’importe quelle page. Lors des brefs instants où l’on se laisse presque charmer par les envolées romantiques du chanteur-écrivain, il réussit systématiquement à nous exaspérer en nous balançant un punch tellement désopilant qu’on se roulerait par terre juste à entendre «pipi-caca-poil»! Là où il veut être juteux et salace, il est moral et suranné.

C’est sans compter les audaces formelles qui émaillent le texte, comme les chanteuses québécoises à voix envahissent la France: avec la subtilité d’un bulldozer. Là aussi, préférable de ne pas dévoiler les extravagances de la mise en pages. Et notre grand coquin frisé se surpasse dans l’insipidité quand il est question de «name-dropper», avec sa «tache» d’humour: on croise la chanteuse Féline Sillon ou le coureur automobile Jack Terreneuve. Comme si Safarir manquait sa parodie de Paris-Match. Consternant.

Ce qui est tragique pour la littérature québécoise, qui a une chance inestimable de faire une percée sur le marché français au Salon du livre de Paris dans les prochains jours, c’est que certains risquent de croire que nous n’en sommes que là. Si bas. Sans oublier que ce livre est également un prospectus publicitaire pour ses maudites bières… Dire que c’est minable ne serait qu’un euphémisme. On a honte de l’avoir déjà aimé. Éd. Stanké, 1999, 207 p.