Écrivains de Québec au Salon du livre : Maîtres chez nous
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Écrivains de Québec au Salon du livre : Maîtres chez nous

Orphelins depuis un an et demi, les écrivains de Québec retrouvent enfin «leur» Salon du livre. Esquisse d’une présence dont la qualité l’emporte heureusement sur la quantité.

Les écrivains établis à Québec feront bonne figure au prochain Salon du livre. Ce n’est pas leur nombre qui les démarquera parmi les centaines d’invités, mais la grande valeur de leurs ouvres récentes. Dix-neuf cent quatre-vingt-dix-huit fut, en effet, une année faste pour la littérature qui se fait dans la Vieille Capitale. Tandis que la relève, incarnée par Yan Muckle et Serge Lamothe, faisait une entrée remarquée dans le paysage littéraire, de plus vieux architectes de la prose ont publié plaquette ou pavé qui les montrent aujourd’hui au sommet de leur art. Trois petits tours chez Aude, Yan Muckle et l’intrigant Jean-Jacques Pelletier.

Pendant près de dix ans, Aude n’a publié ni roman ni nouvelle. Ce long silence, qui aurait angoissé plus d’un écrivain, elle dit l’avoir vécu en toute sérénité. Prenant Voltaire au pied de la lettre, elle a cultivé son jardin. Revenue à l’écriture avec Cet imperceptible mouvement, qui lui a valu le prestigieux Prix du gouverneur général en 1997, Aude ne quitte plus, désormais, ce territoire à la lisière du réel où elle installe ses personnages, avec leurs gestes et leurs silences. L’automne dernier, elle publiait L’Enfant migrateur, un lumineux roman sur les mystérieux liens qui unissent les jumeaux. Sous sa plume nuancée, les mots simples et précis se transmuent toujours en des phrases courtes et dépouillées, magnétiques et habitées.

Ample et généreux, Le Bout de la terre, premier roman de Yan Muckle, a été salué presque sans réserve par la critique. Il a même figuré parmi les finalistes au Grand Prix du livre de Montréal. Voilà qui ne surprend guère car l’écriture classique de Muckle est d’une surprenante maturité, et son ouvre d’un souffle étonnant. Il en fallait, du souffle, pour suivre Pietro, Sarah et Alex jusqu’au bout du monde; il fallait également une plume d’une finesse exceptionnelle pour traduire le parcours de ces rêveurs enchaînés à la réalité sans sombrer dans le cliché. Le roman de Yan Muckle rend avec justesse et poésie le désarroi de la jeunesse contemporaine en quête d’elle-même, de ses rêves et, pourquoi pas, de l’Autre.

«Le Moi, le Couple et le Triangle, ça ne m’intéresse pas», a déjà déclaré Jean-Jacques Pelletier. Auteur de plusieurs romans dont La Femme trop tard et Blunt _ Les Treize Derniers Jours, l’écrivain domicilié à Lévis nage à contre-courant. Alors que la littérature québécoise actuelle sonde les gouffres et les maladresses du cour, Jean-Jacques Pelletier, lui, construit de sombres romans d’anticipation socio-politico-scientifico-policiers. Dans son dernier thriller, La Chair disparue, l’écrivain orchestre le duel auquel se livrent le détective Paul Hurtubise et un réseau international de trafic d’organes. Et ce n’est rien! Ce foisonnant pavé de plus de six cent pages, premier tome d’une tétralogie intitulée Les Gestionnaires de l’Apocalypse, nous traîne également au cour d’une mafia mondiale et de manipulations médiatiques… Sans équivalent au Québec, les «thrillers sociaux» de Jean-Jacques Pelletier ne sont pas sans affinités avec ceux du Français Maurice G. Dantec, publiés dans la Série noire.

Parmi les autres écrivains d’ici présents au Salon, on s’en voudrait de ne pas nommer Jean Désy, dont le dernier recueil de poèmes a reçu un bon accueil. Le chapitre local des éditions de L’instant même sera représenté par Andrée A. Michaud, Serge Lamothe, Jean-Paul Beaumier et, bien sûr, Gilles Pellerin.