À seize ans, Guillaume aime les sciences et la biologie, vit avec son père, Scott, et sa belle-mère, Brenda, à Washington. Il est bedonnant, un peu fuyant; elle est sèche et maigre, et s’accroche à ses hommes pour ne pas rester seule. Tous trois quittent leur ville et reviennent à Montréal, le temps que le père, cinéaste mais surtout réalisateur de pubs, voie à ses affaires. Le trio ira vivre chez Paule, l’ex de Scott, animatrice de télé, et future aventure … de Guillaume.
C’est cette rencontre entre un jeune homme et une femme de 40 ans que raconte Jacques Marchand (Le Premier Mouvement, éd. de l’Hexagone, prix du Journal de Montréal, 1987) dans ce roman familial, Les Vents dominants. «Je suis rentré dans la pièce pour m’asseoir devant mon cahier, comme c’était mon habitude chaque fois qu’une sensation de trop-plein mental m’oppressait. Tu avais laissé la pince à épiler où je l’avais posée, sur le cahier ouvert.»
Dans cette phrase sont contenus deux pivots du récit de Guillaume: la découverte de l’intimité (représentée par un objet de toilette) avec une femme, et la confession, familière aux adolescents soumis à un indicible mal de vivre. Ces deux mondes s’avéreront pour Guillaume incompatibles, et creuseront le fossé entre lui et les autres.
C’est à travers cette confession que le jeune homme retrouve le fil de son aventure: le départ de Washington, l’arrivée à Montréal, dans cette maison, l’éloignement d’avec le père, la relation conflictuelle avec la belle-mère. Et puis, cet itinéraire dans la ville, que parcourra Guillaume: de Westmount à Pointe-Claire, où il a habité enfant avec sa mère, disparue et, on le devine rapidement, au cour du mal-être de Guillaume. Puis, de la ville où il souffre de l’indifférence de Paule, le jeune homme pique sa voiture pour aller se perdre à la campagne, dans les bois, où il cherche à s’expliquer son échec, où il teste aussi ses propres limites.
Ce second roman de Marchand développe les thèmes de l’amour passionnel et de la discorde familiale sur un mode sensible, dépeignant un univers inquiétant. Car si les liens qui unissent Guillaume à ses parents, à sa maîtresse sont forts, complexes, rien ne laisse présager l’issue étonnante du récit. «Lorsque, une heure auparavant, tu avais pris ma nuque au creux de ta main chaude, geste qui avait entraîné tous les autres, j’avais pensé stupidement que tu recherchais la même chose que moi.»
Comment un garçon habitué à l’exercice de la logique réagit-il à la passion, aux jeux de l’amour dont il ignore encore les règles? C’est ce que décrit Marchand, d’une écriture soignée et efficace. Il trace cependant un portrait incomplet du personnage-narrateur, qui ne laisse rien voir du destin qu’il connaîtra, après l’étrange cérémonie d’initiation pour laquelle il aura vécu. Éd. de l’Hexagone, 1999, 140 p.