Livres

Luis Sepúlveda : Hot line / Yacaré

Hot line / Yacaré, de Luis Sepúlveda, renoue avec ce qui a fait les bonheurs de lecture qu’ont été la plupart des autres bouquins du même auteur, comme Le Vieux qui lisait des romans d’amour et Le Neveu d’Amérique. Les deux longues nouvelles réunies dans Hot line / Yacaré (traduites de l’espagnol chilien par Jeanne Peyras) sont des parodies de polars illustrant chacune à leur façon le dicton voulant que la vengeance soit douce au cour de l’Indien.

Yacaré raconte les ultimes représailles des derniers membres d’une tribu amazonienne. Ceux-ci s’en prennent à des fabricants milanais de souliers qui, en chassant jusqu’à l’extinction une race de petits crocodiles afin de chausser élégamment leurs clients, ont détruit l’équilibre cosmique de la culture yacarée. Ce ne sont pas des hommes qui soufflent dans leurs sarbacanes des dards empoisonnés qui, faits à partir de toiles d’araignée, fondent dans le corps de leurs victimes sans laisser de traces: c’est la forêt amazonienne elle-même qui remet la monnaie de sa pièce à l’exploitation capitaliste.

Hot line présente pour sa part les mésaventures d’un policier d’origine mapuche, qu’on exile de ses montagnes parce qu’il a eu l’audace de tirer une balle dans le cul d’un trafiquant de bétail qui s’avère être le fils d’un général de l’armée chilienne. Le papa du bonhomme désire venger l’honneur du popotin familial en toute impunité en tuant l’inspecteur. Mais c’est le petit flic indien qui réussira finalement à mettre le général en état d’arrestation, cela précisément au moment où «le jour se levait sur Santiago et comme toujours à cette heure, on ramassait les ordures pour suggérer un peu de décence». Au-delà de cette anecdote, « Hot line » est une magnifique nouvelle sur les lendemains de la dictature chilienne, qui nous laisse avec une pensée pour Pinochet: qu’il crève dans sa résidence surveillée, le sale!

Les livres de Luis Sepúlveda comptent parmi les trois ou quatre choses qui réussissent par moments à me convaincre que les humains en valent autant la peine que les arbres ou les animaux. Hot line / Yacaré fait partie des rares livres qu’on referme en se disant que la vie vaut malgré tout la peine d’être vécue. Éd. Métailié, coll. Suites, 1999, 117 p.