Alain Roy : Le Grand Respir
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Alain Roy : Le Grand Respir

«Je m’étais attendu à ce que la ville ait un air de fête pour la Noël. Mais elle était pratiquement morte, comme un corps transi sous les bourrasques froides. Les habitants s’étaient réfugiés dans leurs appartements dans les passages sombres et les rues désertes, quelques touristes seulement se promenaient. L’architecture merveilleuse faisait un drôle de contraste avec cette grisaille morose et maladive. (…) Est-ce de sa trop grande beauté que Prague était si triste?»

Le narrateur de cette nouvelle intitulée Les Champions de jeûne s’attristera davantage devant son sort en cette veille de Noël, lui qui, en compagnie de sa douce, cherchera un restaurant ouvert et prêt à les accueillir. Dans les rues sombres et désertes, ils croiseront quelques files de touristes poireautant devant des portes closes, et seront condamnés à retourner à leur auberge, croquer quelques noix pour ne pas devenir fous.

Cette ambiance, quelque peu kafkaïenne, est rendue par une écriture nette et soignée, un réalisme que n’atteindront pas les petites horreurs que vit le couple. D’autres nouvelles de ce recueil (il en compte douze) d’Alain Roy proposent les mêmes ambiances insolites, étranges, comme la troisième, Souriez, s’il vous plaît, dans laquelle un homme est terrorisé par Maurice, propriétaire d’un studio de photo, véritable zélateur qui ne comprend pas le manque d’enthousiasme de son client. «"Ne vous en faites pas. J’ai déjà eu des clients difficiles comme vous, mais j’ai une bonne blague qui marche à tous coups. (…) Pourquoi les blondes préfèrent les cow-boys?"» On ne le saura pas, parce que Maurice est plié en deux, et se trouve bien drôle, mais ne réussira jamais à faire sourire son client. Ce court récit, amorcé par une anecdote assez banale, est construit sur deux portraits psychologiques caractérisant deux hommes tout à fait différents: leur mésentente constitue le cour de la nouvelle qui s’avère hilarante et fine à souhait.

Si ces deux textes témoignent d’une écriture réussie, d’un art narratif efficace, tous ne tiennent pas la route dans le recueil: personnages peu crédibles, intrigues molles, chutes (il en faut quand on choisit ce genre littéraire) peu convaincantes. En particulier Le Yucca, qui raconte la lente dégénérescence d’une plante dont la mort rendra son propriétaire fou de rage. Malgré le ton comique du récit, on ne croit pas à l’absurdité de la situation, ni à la chute qui clôt la nouvelle.

C’est pourtant l’insolite qui caractérise tous les textes de cet ouvrage d’Alain Roy, déjà auteur d’un premier recueil (Quoi mettre dans sa valise, 1990, Éd. Boréal). Il aurait fallu que ce thème (même sous plusieurs angles) soit également développé dans chaque récit pour que se déroule un fil conducteur à travers l’ensemble. En dépit d’une écriture soignée et imaginative, il manque un souffle au Grand Respir – notamment dans la dernière nouvelle éponyme. Éd. Boréal, 1999, 204 p.