Rencontre québécoise des écrivains : La 27e Rencontre québécoise internationale des écrivains
La 27e Rencontre québécoise internationale des écrivains se tenait à Québec du 9 au 12 avril, au Château Frontenac. Le thème en était plus qu’intéressant, puisqu’il portait sur l’écrivain et l’enfance. Les invités étaient André Alexis, auteur de l’excellent Childhood (Enfance, paru chez Fides), Aude, Nicole Brossard, Marie Chaix (France), Herménégilde Chiasson (Acadie) Guy Cloutier, Alfredo Conde Cid (Espagne) Hugues Corriveau, Denise Desautels, Henri Dorion, qui présidait les séances, Louise Dupré, Christiane Frenette, Lise Gauvin, Catherine Hermary-Vieille (France), Suzanne Jacob, qui prononçait la conférence inaugurale, Naïm Kattan, Micheline La France, Monique LaRue, Marie-Andrée Lamontagne, Paul Chanel Malenfant, Émile Martel, Richard Millet (France), Annie Molin Vasseur, Madeleine Ouellette-Michalska, Gilles Pellerin, André Ricard, Jean Romain (Suisse), Bruno Roy, Jean Royer (président de la Rencontre et de l’Académie des lettres du Québec), André Schmitz, Jens Smaerup Sorensen (Suède), Gaétan Soucy, Verena Stefan (Allemagne).
Tout ça fait bien du monde, mais, à ma connaissance, il n’y avait pas d’auteurs jeunesse parmi les invités, ce qui est tout de même un peu étrange vu le thème de la Rencontre. De plus, il s’est trouvé bien peu de jeunes écrivains dans ces Rencontres qui paraissent de plus en plus fermées à la jeunesse (c’était comme ça déjà il y a quelques années, soit dit en passant).
Les conférenciers ont beaucoup évoqué les liens entre l’enfance, comme territoire imaginaire, et la littérature. En effet, l’écrivain fabrique le «récit» de son enfance: personne, le soulignait Suzanne Jacob, ne se rappelle ce paradis perdu, mais tous nous reconstruisons un récit, à partir de cette amnésie. Jacob, qui a prononcé une conférence parfois obscure et complexe, a orienté rapidement le débat vers une question primordiale: pourquoi chaque fois qu’on fait parler un enfant en littérature, cela est-il suivi d’un «châtiment», d’un «grand silence»?
Langages de la création
Le personnage de l’enfant, sous la forme du narrateur ou du héros, revient fréquemment dans la littérature québécoise; ce sujet précis a été à peine abordé, par Guy Cloutier, lors de cette Rencontre. Comme le demandait l’écrivain: que signifie cette propension à écrire des romans «de table rase» où l’on «efface tout et on recommence dans une nouvelle langue»? Évoquant les romans de Réjean Ducharme, de Marie-Claire Blais, de France Ducasse, Cloutier soulignait le rapport entre l’invention de l’enfance et celle de notre langue dans la littérature québécoise. Il s’agit donc non pas d’un retour mais d’un «recours à l’enfance» à des fins littéraires et politiques.
Comme l’a également fait remarqué Naïm Kattan, il y a un rapport d’autorité de l’enfance avec la langue; réflexion poursuivie par Catherine Hermary-Vieille: «créer une langue» équivaut au rejet d’une autorité, et d’un certain nombre de valeurs. Gaétan Soucy, lui, a précisé que lorsqu’il crée des personnages d’enfants, il ne «cherche pas quelque chose de perdu», mais invente, au contraire, ce qui n’existe pas. De plus, Soucy (comme Cloutier) a parlé de la langue comme pouvant être représentative du thème de l’enfance: c’est souvent dans la syntaxe et le rythme que l’on «reconnaît l’enfant». Cette piste riche et plus que pertinente a malheureusement été peu suivie, du moins pas jusqu’au dimanche midi, heure à laquelle j’ai quitté la Rencontre.
Sous une perspective plus personnelle, les écrivains présents ont parlé de leurs perceptions de l’enfance et de ses rapports avec l’activité créatrice. Cet angle, tout à fait enrichissant, permet d’aborder la question autobiographique, au sujet de laquelle beaucoup d’écrivains se sont exprimés. Écrire un roman inspiré de son enfance, par exemple, revient-il à écrire une autobiographie? Oui, si l’on en croit plusieurs, dont Marie Chaix, qui rappelait que l’autobiographie est aussi sélective que l’est un roman. Nicole Brossard a renchéri: «La réalité est le produit de certaines fictions portées sur la place publique et auxquelles on a décidé de croire.»
C’est sous cet angle et celui de la langue que cette Rencontre promettait. Mais, à dire vrai, d’excellentes questions (plus pragmatiques que théoriques) restaient souvent sans réponses, ce qui a empêché l’événement de vraiment prendre son envol. Dommage.