Francis Magnenot : Italienne
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Francis Magnenot : Italienne

«Si je n’avais pas rencontré Nadine, j’aurais pu mal tourner», déclare d’entrée de jeu le narrateur d’Italienne, premier roman de Francis Magnenot. Voilà une affirmation qui fait sourire, du moins a posteriori. Car, lorsque l’on connaît la suite du récit de Séverin, l’amant floué, quand on sait tout ce qui lui arrive, pendant son «pèlerinage» en Italie, ce pays que Nadine lui avait fait découvrir avant de le plaquer pour un «fils de pute», on imagine mal comment sa vie aurait pu tourner plus mal encore.

Un an après la «trahison» de Nadine, que Séverin aimait «avec dévotion» (elle était celle qui l’avait «éveillé», «elle avait compris qu’on peut regarder un peu plus loin, qu’on n’est pas sur terre uniquement pour se remplir la panse et les poches»…), il tente toujours de comprendre ce qui a poussé celle qu’il aimait à l’abandonner. Voilà pourquoi il retourne en Italie. Pour «s’affranchir de la trahison de Nadine». Avec, dans ses bagages, son album de photos d’Italie remplies des sourires de Nadine, il s’est mis en tête de revisiter les lieux qu’ils ont vus ensemble. Mais, évidemment, rien ne se passera comme prévu. Ce jeune homme avec qui il partage une chambre et qui meurt dans la salle de bain, le transformant du coup en suspect numéro un cette jeune fille délurée, violente et voleuse qui lui causera mille embarras; cet accident inexplicable qui le laissera monstrueusement défiguré: tout concourt à le faire dévier de sa route. À la fin d’Italienne, on est bien loin du point de départ.

Ce qui s’annonçait comme un drame tourne à la comédie, et le «roman d’apprentissage» annoncé, au récit d’aventures quasi rocambolesques. On arrive au terme de ce voyage avec la nette impression que l’auteur s’est lui-même perdu en cours de route. Ce qu’il a voulu faire nous échappe. Tout comme nous échappe ce narrateur ambigu, bavard, naïf et narcissique, qui émaille son récit de phrases creuses («je suis le spécialiste de mots de Nadine»; «je crois à la justice des mots»; «je viens de tuer le hasard») et qui passe sans arrêt de l’auto-apitoiement à l’auto-dénigrement. Éd. Boréal, 1999, 165 p.