Julia Kristeva : Le Génie féminin: Hannah Arendt
Premier volet d’une série portant sur trois femmes marquantes, soit Arendt, Melanie Klein et Colette, ce premier volume présente également le projet de l’intellectuelle et psychanalyste Julia Kristeva. Celui-ci consiste à faire le portrait d’une figure qui a passionné les siècles depuis la Renaissance: le génie. «L’impact de certaines ouvres [scientifiques, philosophiques, littéraires, etc.] ne se réduit pas à la somme de leurs éléments. Il dépend de l’incision historique qu’elles opèrent, de leurs répercussions et de leurs suites, bref, de notre réception. Quelqu’un s’est trouvé à cette intersection, en a cristallisé les chances: le génie est ce sujet-là.»
Depuis longtemps, les génies passionnent Kristeva; mais les questions féminines également ont toujours figuré parmi ses centres d’intérêt (Des chinoises, 1974, Possessions, 1996, Le Féminin et le Sacré, 1998). Kristeva élimine dès le début de son essai les reproches historiques faits aux femmes qui, étant mères, ne pouvaient «concevoir» autre chose de plus fort, de plus sacré que la vie elle-même. Trop de femmes nous ont prouvé le contraire, particulièrement au XXe siècle, alors que leurs travaux et leurs ouvres marquent les arts et les sciences, (presque) toutes disciplines confondues. Elle a choisi trois femmes qui, comme tous les grands esprits, ont dû se battre pour affirmer leur style, leur action, leur ouvre. Et, comme tous les génies, elles ont rompu avec des courants, des modes, des doxa. «La pensée d’Arendt est à la croisée de disciplines (philosophie? politologie? sociologie?), transversale aux religions et aux appartenances ethniques ou politiques, rebelle à l’establishment de "droite" comme de "gauche".»
Arendt, à 24 ans, a déjà fait un doctorat sur le concept d’amour chez Augustin; elle fuit les nazis en 41 et se retrouve à New York, où elle acquiert sa citoyenneté américaine. Puis, elle entreprend des recherches sur l’antisémitisme, et devient politologue. Une pointure dans le monde de la philosophie, de la politique. Ce livre fournit une bonne occasion de la découvrir (on nous donne moult références sur les traductions françaises de l’ouvre), d’autant plus que Kristeva, parfois un peu obscure dans ses précédents essais, est plus claire, plus accessible. Éd. Fayard, 1999, 408 p.