Péril au Nunavut : Hara-Kiri sur glace
Le onzième roman de MICHEL GOLDLIN se déroule dans le tout nouveau territoire du Nunavut, dans le Grand Nord canadien. La fiction y rencontre l’actualité.
Michel Goldlin n’a pas perdu de temps. Quelques mois après la création du Nunavut, cette partie des Territoires du Nord-Ouest placée sous administration inuit, l’écrivain suisse nous propose un roman qui a pour trame de fond la négociation de ces accords historiques. Dans ce contexte bien réel et frais à nos mémoires, il situe un périple d’action et d’espionnage qui déborde largement le cadre des pourparlers constitutionnels.
Quand l’agent Kevin Smith, membre d’une force d’élite spéciale de la CIA, part pour Tuklavik, dans les Territoires, il ne saisit pas encore tous les enjeux de la mission top secret qui lui est confiée. Son patron lui demande de troubler, voire d’interrompre les négociations en cours, mais sans lui donner plus de détails. L’agent n’a pas à en savoir plus, d’ailleurs. La plupart du temps, il opère sans même connaître les motifs de ses gestes – des assassinats, en l’occurrence.
Arrivé sur les lieux, il organise les opérations, alors que Pilipusee, leader inuit, reçoit des journalistes de partout et s’apprête à dévoiler au monde son projet de constitution. Mais voilà qu’un léger doute s’insinue en Kevin Smith. Cet homme préprogrammé, qui ne se laisse jamais aller aux états d’âme, se prend à remettre en question l’action qu’il va poser. Il ne reste pas insensible, lui dont on dit qu’il a un cour de glace, à la démarche de ces Inuits en quête d’autonomie.
La situation est plus complexe qu’elle n’en a l’air, parce que la région connaît alors une nouvelle ruée, vers le diamant cette fois. Quand la nouvelle filtre que quelques précieux cailloux ont été extraits des sous-sols nordiques, tout ce que l’Amérique compte d’âmes aventurières et de pauvres types en quête de fortune s’y dispute les concessions accordées par le gouvernement. Il y a de plus gros joueurs que d’autres, bien entendu, comme la United Mining Consortium, dirigée par l’impitoyable Jonathan Swayne. Ce dernier, qui entretient avec Ottawa de bonnes relations purement opportunistes, est soudain très inquiété par la requête autonomiste des peuples du Nord, qui pourrait lui faire perdre le droit d’exploiter les richesses minières. Un jeu de pouvoir impitoyable se met en place, dans lequel se trouve mêlé le président américain lui-même. La mission de l’agent Smith n’y est pas étrangère.
Michel Goldlin connaît les règles du genre: créer un contexte inusité, une situation explosive; développer une action qui prend source aux quatre coins du globe; impliquer un grand nombre de personnages, aussi typés les uns que les autres. Des ingrédients qu’il a ici maniés avec savoir-faire, certes sans rien réinventer, mais avec un grand souci du détail. Voici une lecture d’été, un morceau de banquise pour les chaleurs de juillet, qui a le mérite de nous faire un peu mieux connaître ces concitoyens tellement éloignés de nous, qui ont récemment retrouvé un peu de l’autonomie territoriale de leurs ancêtres.
Péril au Nunavut,
de Michel Goldlin
Libre Expression
1999, 240 pages