Carole Fréchette : Do pour Dolorès
Dolorosa Dolorès… Il y a de la douleur dans ce second roman pour adolescents de Carole Fréchette. Une douleur, première qualité, intègre, entière, généreuse, aurait-on envie de dire, comme seule peut en causer une déception d’amitié à quatorze ans, quand on s’est abandonné corps et âme à rêver à deux, quand on s’est vu en l’autre, plus grand, plus fort, plus beau…
Réunies par leurs différences, Véro et Do étaient devenues inséparables. Le temps d’un été, d’un projet secret de voyage sur la Côte-Nord, jusqu’au choc brutal: le départ de Do et de son original de père, sans prévenir, sans laisser d’adresse. C’était il y a deux ans; Véro avait eu une peine d’amitié, comme on a une peine d’amour. Elle lisait Autant en emporte le vent quand Dolorès était «apparue» en classe: «Une sorte de princesse western, habillée comme une vente de débarras, qui avait le culot de Scarlett O’Hara et l’arrogance de Rhett Butler.» Or, cette fille semblable à nulle autre, elle est sûre de l’avoir aperçue en ville, le crâne rasé mais reconnaissable à son accoutrement bigarré.
Faisant alterner passé et présent, le récit de Véro évolue en un crescendo émotif: dans ces aller-retour entre les souvenirs révélant l’amitié grandissante des jeunes filles et les recherches menées aujourd’hui par la narratrice pour retrouver Do, on voit se resserrer les liens entre Véro et son amie. Et l’on comprend son obstination à la revoir, juste pour comprendre son départ et pour pouvoir l’absoudre, sans doute, afin que le souvenir de cette amitié ne soit plus entaché du mot «trahison».
Dès les premières pages, le style vif, l’écriture qui va droit à l’essentiel, accrochent le lecteur, et l’on est envoûté par le mystère de cette amitié qui se dévoile peu à peu. Carole Fréchette parvient à exprimer avec vérité les émotions que peuvent ressentir des filles de cet âge, confrontées au fantôme du père déserteur, à la concurrence entre conformité et individualité et, surtout, à l’apprentissage du pari de la vie, où rivalisent douleur et bonheur. Éd. La courte échelle, coll. «Roman +», 144 p.