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Tito : El Forastero

Depuis 1998, Casterman réédite une série des années 80 intitulée Soledad, réalisée par le bédéiste français d’origine espagnole Tito. Inspirée des souvenirs nostalgiques de l’auteur et de sa famille, cette série fait la chronique d’un village d’Espagne, de la guerre civile à l’après-franquisme. Une ouvre personnelle et forte, marquée par une simplicité et un humanisme qu’il fait bon redécouvrir.

Le plus récent album, El Forastero, raconte le séjour à Soledad d’un jeune Madrilène que sa mère envoie chez son oncle se refaire une santé. L’auteur y montre l’amitié progressive qui s’établit entre l’adolescent et cet oncle, un cordonnier vieux garçon, dérangé dans ses tranquilles habitudes.

Pendant ses promenades, seul ou en compagnie du jeune Paco, Miguel demeure un témoin plus ou moins distant des mours provinciales: deux femmes âgées critiquant la nouvelle liberté de la jeunesse, un couple faisant l’amour dans un champ, un conseil municipal houleux. Une scène intéressante montre le garçon assistant, sur la place du village, à une réunion d’hommes qui se disputent au sujet de la modernisation du pays et des bienfaits du socialisme. Toutefois, si le jeune protagoniste ne partage pas le voyeurisme des villageois qui s’attroupent pour assister au drame d’une voisine, il se trouve régulièrement en train d’étudier le monde adulte de l’extérieur. C’est, par le fait même, le point de vue qu’impose l’auteur au lecteur.

Également créateur de Tendre Banlieue, une série qui aborde les petites et les grandes tragédies de l’adolescence, Tito excelle dans le genre «tranche de vie». Le drame domestique et judiciaire qui éclate chez une famille voisine, peu après l’arrivée du héros à Soledad, constitue l’intrigue du récit sans en être l’essence. Car tout l’intérêt de l’album réside dans la restitution des petites histoires et des comportements quotidiens du peuple espagnol, rendue par un dessin sobre, près du réalisme photographique. Éd. Casterman, 1999, 48 p.