Gilbert Sinoué : L'Enfant de Bruges
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Gilbert Sinoué : L’Enfant de Bruges

Après Le Livre de saphir (Éd. Denoël, Prix des libraires 1996), qui se déroulait dans l’Espagne d’Isabelle la Catholique vers l’an 1485, l’écrivain français Gilbert Sinoué remonte, avec L’Enfant de Bruges, quelques décennies plus tôt et situe son action entre la Flandre et l’Italie.
En 1441, le peintre Jan Van Eyck, grand maître de la peinture flamande, se retrouve au centre d’une énigme meurtrière aux ramifications internationales. Le jeune Jan, son fils adoptif et apprenti, va connaître, à 13 ans, des mésaventures extraordinaires et devra, avec l’aide d’un complice, trouver des réponses aux questions que tous se posent. Roman d’apprentissage dans une Europe en mutation.

Il est toujours fascinant, l’univers de la peinture, quand un romancier bien documenté nous y plonge, et cela même si plus d’un y ont déjà situé des tas d’aventures. L’histoire de l’art offre un riche terreau à l’inspiration romanesque et, dans ce cas-ci, nous nous retrouvons de plain-pied dans une époque lointaine et méconnue, un Moyen Âge où la Flandre, le Portugal, l’Espagne et l’Italie se disputaient la mainmise sur de nouveaux territoires
découverts au bout de longs périples par mers ou par vaux.

Le roman de Gilbert Sinoué est construit de telle façon qu’on passe, en alternance, de l’intérieur feutré de l’atelier du peintre Van Eyck aux rues grouillantes et menaçantes de Bruges, et de Bruges aux palais somptueux de Florence. Le jeune apprenti, qui découvre tout des couleurs, des techniques, du travail de l’artiste, est aussi fasciné par Venise, «la soeur latine de Bruges», la Sérénissime, et rêve de voyages. Ses rêveries seront interrompues par une vague d’assassinats: des peintres, d’ex-apprentis du maître, d’autres, orfèvres ou architectes, seront poursuivis, assaillis par de mystérieux criminels.

Qu’est-ce qui lie tous ces meurtres? Et pourquoi l’enfant lui-même est-il pris en chasse? Après la mort de son protecteur et père adoptif, le jeune Jan aura la chance d’être pris en charge par un homme de grande stature, envoyé de l’infant du Portugal. Celui-ci tentera avec lui de connaître les enjeux d’une lutte de pouvoir, d’argent et d’idées qui les entraînera jusqu’à Florence, menacée à son tour par un obscur complot de bigots.

Les faits relatés sont assez extraordinaires, complexes, instructifs sur une dure époque où la vie d’un individu valait bien peu de chose. Les victimes, occises des plus cruelles manières, parsèment d’ailleurs le roman de Gilbert Sinoué. Cependant, si L’Enfant de Bruges se lit bien, recèle des moments enlevants, des personnages et des dialogues vrais et crédibles, de précisions historiques et des discussions philosophiques édifiantes, l’auteur aurait pu élaguer quelque peu pour une plus grande efficacité de l’intrigue, dont de nombreux éléments restent prévisibles. Éd. Gallimard, 1999, 426 p.