Pierre MorencyLe Regard infini : Deux gars, une ville
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Pierre MorencyLe Regard infini : Deux gars, une ville

Les regards conjugués de PIERRE MORENCY et LUC-ANTOINE COUTURIER font de ce beau livre l’un des plus éloquents jamais publiés sur la ville Québec.

Un regard infini, est-ce bien possible? N’y a-t-il pas de limite à la portée de l’oeil? À ces questions, la réponse du scientifique ne sera pas celle du poète, qui sait voir dessous les pierres et par-delà les murs.

Avec Le Regard infini, beau livre où la ville de Québec se déploie en prose et en images, Pierre Morency nous propose l’un de ces voyages à travers l’espace et les siècles, où le regard, décidément, porte loin. Si loin que les frontières du temps s’estompent. Au gré de ses ballades, le poète peut ainsi côtoyer Arthur Buies ou le peintre René Richard, chacun lui soufflant à l’oreille un peu de l’histoire de Québec. Il peut apercevoir Guillaume Couillard pousser la charrue, ou encore François-Xavier Garneau prendre la plume.

De la colonisation au Régime français, de la Conquête à aujourd’hui, tout revit à travers les propos de quelques personnages, heureux d’expliquer l’histoire des lieux. Mais les meilleurs conteurs sont encore les arbres. Suffit, pour les entendre, de se faire oiseau: «Me voilà donc merle à la poitrine de feu […]. Je circule, je me renseigne, surveille, gobe de ci de là des bribes que j’enfile bout à bout.» Bientôt le merle dialogue avec les vieux feuillus de la capitale, chacun devenant le témoin privilégié d’un pan d’histoire.

Lumineuses, les photographies de Luc-Antoine Couturier prolongent ce regard. La ville apparaît sous des angles neufs, livrant à l’oeil des facettes insoupçonnées. Le mariage de la pierre et de la verdure est plus harmonieux que jamais.

Entre deux scènes d’automne ou d’hiver, les résumés historiques rédigés par Jean Provencher complètent le récit, qui demeure avant tout poétique. L’histoire de la Terrasse Dufferin, du parc de l’Artillerie ou du Bois de Coulonge nous est contée en mots simples mais avec moult historiettes et détails.

Le poète, lui, continue sa marche et laisse courir ses yeux. «À tant faire qu’à voler d’un parc à une place, d’un arbre remarquable à un monument altier, je ne me suis refusé aucune fantaisie. Promeneur souvent solitaire, attentif aux voix et aux murmures, désireux d’entrer en commerce avec mes concitoyens, quoique animé d’un fort quant-à-soi, je me suis donné cette disposition qui permet les rencontres aussi énigmatiques qu’inattendues.»

À travers les cent visages de la ville, voici tout à coup celui de Québec, berceau littéraire. D’une ruelle à l’autre, Morency évoque Alain Grandbois, Gabrielle Roy, Anne Hébert, autant d’écrivains qui ont fait résonner leurs mots entre ces murs de pierres. «Qui m’aurait dit qu’en entreprenant tout à l’heure cette promenade je retrouverais autant de souvenirs qui ont tous un rapport direct avec la passion des livres?»

Le regard infini prend naissance dans un concept intelligent et une réalisation raffinée. Ses auteurs en ont fait une oeuvre littéraire autant que photographique, ce qui la distingue nettement de la plupart des coffee table books. Infiniment beau.

Le regard infini,
de Pierre Morency
Éditions MultiMondes
1999, 140 pages