Gorän Tunström : Le Livre d’or des gens de Sunne
Dans la petite ville de Sunne, en Suède, Stellan est un citoyen apprécié. Épicier pendant des années (une véritable vocation), sacristain à l’église, impliqué dans tous les événements d’importance, reconnu pour sa collection d’autographes (il a accumulé au cours des ans plus de six cents signatures de gens plus ou moins célèbres), c’est à lui qu’on a tout naturellement demandé de rédiger «une plaquette commémorative», sorte de livre d’or qui parlerait des visiteurs les plus célèbres que la ville a reçus.
C’était avant que la vie de Stellan soit bouleversée par une série d’événements tragiques. Avant qu’il décide de vendre son épicerie. Avant l’arrivée spectaculaire d’un camarade américain que Stellan n’avait plus revu depuis l’enfance, et que les souvenirs se mettent à affluer, vieux fantômes avec lesquels il croyait pourtant avoir réglé ses comptes. Après, le coeur brisé, incapable de s’en tenir aux anecdotes, aux noms et aux dates, Stellan s’écarte de son projet initial et fait du Livre d’or des gens de Sunne le roman de sa vie et des siens: Harald, ce peintre qui ne croit plus à son talent; la belle et dévouée Isabelle, qui a marié Harald, et dont Stellan est secrètement amoureux; Ed, l’astronaute américain, alcoolique, désabusé, qui tombe littéralement du ciel un jour de fête ratée; Cederblom, le pasteur à qui il doit son éducation et ses «réflexions sur la vie», et bien d’autres.
C’est à travers le regard de Stellan, à travers les observations de ce minutieux historien des coeurs et des âmes en peine, qui a tout noté, tout retenu des événements et des gens de sa ville (il a même enregistré des sermons importants diffusés à la radio locale), que Gorän Tunström nous fait découvrir la vie d’une petite ville que la pénombre de l’église apaise encore, mais qui ne croit plus aux miracles, d’une communauté qui commence à voir, alors que l’homme vient de poser le pied sur la Lune et que l’Amérique jubile, des lézardes dans ses murs.
Septième roman de l’auteur de L’Oratorio de Noël à être traduit en français, Le livre d’or des gens de Sunne est une fascinante galerie de portraits. Mais c’est aussi, surtout, une réflexion troublante sur la fragilité de l’existence, sur la grandeur et la petitesse de l’homme, sur Dieu – ou son absence -, et sur le pardon. Traduit du suédois par Marc De Gouvenain et Lena Grumbach. Éd. Actes Sud / Leméac, 1999, 331 p.