Nouvelles du Canada anglais : Ici comme ailleurs
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Nouvelles du Canada anglais : Ici comme ailleurs

Méconnue du lecteur québécois, la nouvelle canadienne-anglaise a pourtant, et depuis longtemps, ses lettres de noblesse. Panorama.

Pourriez-vous citer quelques titres de Marian Engel, Ethel Wilson ou Sinclair Ross? Bon, admettons-le: les grands nouvellistes du Canada anglais, pourtant bien connus ailleurs au pays et même à travers le monde, nous sont à peu près étrangers.

Nouvelles du Canada anglais représente une belle occasion de mieux les connaître. Les douze textes retenus par Nicole Côté aux fins de cette anthologie, tous écrits durant la deuxième moitié du XXe siècle, composent un tableau révélateur de la production contemporaine.

Le lecteur est d’abord saisi par le rapport à l’imaginaire qui organise la plupart des textes, rapport fait de la rencontre d’un certain réalisme avec les rêves et fantasmes de personnages qui, à la suite d’un choc, évoluent en marge de la réalité. Une nouvelle célèbre de James Reaney, intitulée La Brute, en fournit un exemple. Un écolier d’origine modeste y voit son rêve tourner au cauchemar quand, jour après jour, un autre garçon de l’école s’entête à le terroriser. Lui qui souhaitait, par les voies de l’apprentissage, échapper à son destin de fils de fermier développe une peur phobique de la cour de récréation. La réalité qui l’entoure va se distordre et prendre le visage de sa peur, si bien qu’il mettra un terme à ses études et restera en proie à d’étranges rêves.

Dans la nouvelle Si, par hasard, l’âme de ma grand-mère, d’Ethel Wilson, cet écart entre l’environnement concret et les égarements intérieurs du personnage principal apparaît clairement. Une femme et son mari, en voyage en Égypte, descendent dans les corridors sombres d’un tombeau de la Vallée des rois. Au fur et à mesure que l’air se raréfie, les peurs et les visions qui habitent la femme prendront plus d’importance que la réalité environnante, jusqu’à faire basculer la suite du récit dans un univers insolite. Dans son avant-propos, Nicole Côté parle à cet égard de «la tension existant entre la réalité et l’imaginaire que les personnages y projettent», une notion importante pour apprécier cette anthologie.

On remarquera qu’une majorité des auteurs sélectionnés sont des femmes, ce qui est assez représentatif de la production canadienne-anglaise. D’ailleurs, la condition féminine se trouve au coeur de plusieurs nouvelles, dont celles de Joyce Marshall, Sandra Birdsell ou Marian Engel, bien que chacune aborde la question par le biais d’un réalisme plus ou moins mêlé d’onirisme.

Il y a mille raisons de lire cette anthologie. Entre autres, on y découvre un rapport fascinant à la nature et à la terre, qui n’est pas celui du terroir québécois. On y reconnaît un sens du mystère, aussi, dont les procédés typiquement anglais se marient de manière étonnante avec une mythologie amérindienne, principalement chez Jack Hodgins.

Mentionnons que les textes sont servis par des traductions très justes, préparées par Nicole Côté elle-même.y

Nouvelles du Canada anglais,
anthologie réalisée par Nicole Côté
Éditions de L’instant même
1999, 267 pages