Michel Lessard : Les Meubles anciens du Québec
Avec Meubles anciens du Québec, MICHEL LESSARD achève sa trilogie sur la culture matérielle québécoise. Un troisième volume qui vient compléter le portrait d’un pays à travers ses objets.
«Les objets et les meubles, ça ne ment pas. Quand je regarde les meubles du Québec de 1790 à 1840, je vois le prolongement de la France du XVIIIe siècle, mais aussi l’influence de l’Angleterre et celle des États-Unis.» Pour Michel Lessard, les objets sont de précieux témoins de notre histoire. Aussi se doit-on de les analyser et de les connaître si l’on veut mieux comprendre notre passé. Ce champ d’étude ayant toujours été négligé, l’historien s’est donc mis au travail, «à coup de bulldozer», précise-t-il modestement, considérant que chacun des chapitres de son ouvrage pourrait faire l’objet d’un livre en soi. Mais si ce volume demeure un premier pas vers l’observation de notre passé matériel, reste que la démarche est pour le moins fouillée et rigoureuse. Définitions, identifications des différents héritages culturels, typologie, catégorisation des meubles et des types d’analyse, sens du meuble, grands axes des discours sur le meuble et lexicologie sont autant d’aspects que l’historien aborde dans un langage clair qui sera aussi compréhensible au néophyte qu’au chercheur. Une dimension théorique, donc, qui fait place, à chacun des chapitres, à un large examen visuel et photographique, qui permet au lecteur d’identifier les divers styles et époques du meuble québécois ou canadien français.
Pour Michel Lessard, «l’histoire commence hier». Aussi son ouvrage s’étend-il des débuts de la colonisation jusqu’à nos jours, nous permettant notamment d’observer les mutations qui se sont opérées dans la société québécoise durant le présent siècle. En effet, l’histoire du meuble au Québec témoigne de l’avènement de la modernité et de la redéfinition identitaire qui ont présidé à la Révolution tranquille par un retour aux sources dans son design et par un intérêt indéniable pour les lignes modernes, mais elle illustre également l’impact de la mondialisation par son amalgame de styles et la rareté des design originaux des dernières années. «Toutes les nations, particulièrement les moyennes et les petites, sentent de plus en plus qu’avec la mondialisation, on converge vers une sorte de grand nivellement et c’est la raison pour laquelle les pays ont le réflexe de protéger leur culture», observe Lessard. Or, selon lui, «la culture matérielle et artistique est très négligée de la part de nos gouvernements», c’est pourquoi il préconise la création d’un institut et d’une société de fiducie du patrimoine.
Lessard constate les mêmes lacunes lorsqu’il observe notre culture sur le plan architectural: «On dérape au Québec, nos villages sont en perte d’identité tout comme nos villes et je trouve que l’on ne travaille pas à éduquer nos collectivités qui veulent savoir plein de choses sur l’histoire de l’architecture de leur village ou de leur ville», explique-t-il. Sa trilogie sur l’histoire des objets québécois maintenant terminée, l’infatigable historien envisage donc de s’attaquer à cette autre facette de notre patrimoine: «Personne n’a développé une trame architecturale comme la nôtre, c’est très identitaire et c’est aussi important à protéger que la langue.»
Meubles anciens du Québec,
de Michel Lessard
Éditions de L’Homme
1999, 543 pages