Notes : En avoir ou pas: le 17e colloque annuel de l’Académie des lettres du Québec
En titrant sa communication En avoir, la romancière et scénariste Monique Proulx a en quelque sorte touché le coeur des débats du 17e Colloque annuel de l’Académie des lettres du Québec, qui se déroulait samedi dernier à la librairie Olivieri sous le thème «L’écrivain/e dans la Cité?» L’événement, sous la gouverne du président Jean Royer, a attiré une petite foule intéressée, du moins en après-midi, alors qu’une table ronde sur les relations entre les écrivains et les médias a été particulièrement animée.
Les récriminations et frustrations des travailleurs de la plume envers la télévision, notamment, ont pris une très large place. Plusieurs ont déploré, en plus du manque d’espace et de temps consacré aux écrivains, même dans les rarissimes émissions littéraires, le fait que ce soit toujours les mêmes qu’on invite; les Tremblay, Laberge et autres, vedettes télégéniques, qui font un bon «show», même si elles ont souvent tendance à partir «la cassette» des mêmes confidences à toutes les tribunes. À entendre les propos de Maxime-Olivier Moutier, les choses ne sont pas près de s’améliorer.
Le jeune écrivain-animateur, qui avouait d’emblée qu’il préférerait animer un quiz plutôt qu’une émission littéraire, a provoqué de nombreuses réactions parmi l’auditoire en affirmant que «la télé n’a rien à voir avec la littérature», que «la télé fait de la télé». En confirmant la vocation de «fast-food culturel» tant décriée du petit écran, en se confortant dans la facilité qui consiste à n’inviter que des valeurs sûres, l’auteur des Lettres à Mademoiselle Brochu a suscité une question dans la salle: «D’où vient le mépris de la télé pour les écrivains?»
Si celui-là se satisfait de la tendance lourde à niveler par le bas du plus largement fréquenté des médias, une autre animatrice, Danielle Laurin (absente mais dont le texte fut lu par la poète Denise Desautels), a pour sa part remis en question les positions éditoriales des grands médias, à commencer par les magazines québécois qui refusent ou acceptent les projets d’articles sur des écrivains à partir de critères étrangers au travail desdits écrivains. Relatant sa propre expérience à l’émission Cent Titres, elle déplorait le fait qu’il faille «faire du spectacle» avec la littérature : «La littérature ne devrait-elle pas permettre de garder une distance face au fast-food médiatique?»
Danielle Laurin ajoute, en constatant qu’elle a de moins en moins le temps de réfléchir, qu’elle lit trop vite, pressée par la nécessité de parler du plus grand nombre possible de livres. «On publie trop au Québec, il n’y a pas assez d’éditeurs qui font leur travail; on parle de plus en plus de "l’industrie du livre" et de moins en moins des livres eux-mêmes; une pensée qui ne se résume pas par A + B n’a plus droit de cité».
Des questions similaires revinrent dans la table ronde consacrée à «L’écrivain/e dans la Cité?». Le poète et éditeur Bernard Pozier y alla d’un plaidoyer pour la poésie et pour le statut d’éditeur, qui fait un travail à long terme, sans beaucoup de gratification, mais qui oeuvre à constituer un héritage pour la société. Quant à l’auteur dramatique André Ricard, il a défendu le statut littéraire du texte de théâtre et déploré le peu d’exigence manifesté envers des textes à «thématique maigre» et de jeunes auteurs «au discours désarticulé», ajoutant que «la nouveauté au théâtre est devenue affaire de mise en scène plus que de texte».
Si l’ensemble des discussions semblait se réduire aux plaintes d’écrivains en mal de reconnaissance, Monique Proulx, affichant un optimisme à tout cran, opposa le travail de l’ombre de l’écrivain à la lumière du succès. «Qu’on l’appelle amour ou succès, on en veut. Mais en avoir un peu ou beaucoup, c’est jamais en avoir assez.» Réitérant la place «inaliénable» de l’écrivain, elle conclut: «Nous n’avons pas le temps d’être amers et avides, écrivons!» (R. Bertin)
Prix du Gouverneur général
Mardi dernier, 16 novembre, étaient dévoilés les lauréats des Prix de la Gouverneure générale. Dans la catégorie Romans et nouvelles, Lise Tremblay remporte la palme pour La Danse juive (Éd. Leméac); le prix de poésie est accordé à Herménégilde Chiasson, pour Conversations (Éd. D’Acadie); du côté des essais, Pierre Perrault est primé, pour Le Mal du Nord (Éd. Vent d’ouest). En littérature jeunesse/texte, Charlotte Gingras, pour Liberté? Connais pas… (Éd. La courte échelle) remportait les faveurs, aux côtés de Stéphane Jorisch pour L’Île du destin (Éd. les 400 Coups), côté jeunesse/illustration. Enfin, le prix de la traduction a été accordé à Jacques Brault pour Transfiguration, coédité par Noroît et Buschek Books. Chacun des prix est accompagné d’une bourse de dix mille dollars.
Grand Prix de la Ville de Montréal
Les prix pleuvent! Cette récompense prestigieuse, assortie également d’une bourse de dix mille dollars, a été accordée le 15 novembre à Joël Des Rosiers, pour son recueil de poésie Vétiver, paru aux éditions Triptyque. Le jury était formé de René Lapierre, Émile Ollivier, François Hébert, Marie-Andrée Marcoux, Sheila Fischman et présidé par Marie-Claire Blais. Les autres finalistes étaient Paul Chamberland (En nouvelle barbarie, Éd. de l’Hexagone); Diane-Monique Daviau (Ma mère et Gainsbourg, Éd. L’instant même); D. G. Jones (Grounding Sight, recueil de poésie publié chez Empyreal Press) et Aki Shimazaki (Tsubaki, Éd. Leméac /Actes Sud).