Sir Robert Gray : L'Heure au jardin
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Sir Robert Gray : L’Heure au jardin

L’Heure au jardin est le deuxième mouvement d’un cycle où Sir Robert Gray s’intéresse à la dynamique de nos liens sociaux et de nos quêtes amoureuses, puis à ce qui peut pousser au geste de désespoir.

Sir Robert Gray en a long à dire. Publié à peine plus d’un an après Mémoires d’un homme de ménage en territoire ennemi, L’Heure au jardin est le deuxième mouvement de son «quatuor de la vengeance», un cycle où l’auteur s’intéresse à la dynamique de nos liens sociaux et de nos quêtes amoureuses, puis à ce qui peut pousser au geste de désespoir.

La trame initiale est toute simple: Alex, publicitaire de grand talent, développe une passion pour les plantes. Anodin si ce n’est que le récit de ses tentatives horticoles sert de prétexte à pénétrer l’univers d’Alex, un être complexe, libre penseur, à la fois jouisseur et préoccupé par le sort des autres. Sir Gray relate ses réussites professionnelles autant que ses aventures homosexuelles, racontées avec un humour mêlé d’une pudeur exquise, et perce la coquille d’une vie moins rangée qu’il n’y paraît. Le tout est entrecoupé par des extraits du journal que tient Alex pour noter l’évolution de son jardin.

Au fil des jours, apparaissent tout un éventail de personnages, qu’on trouvera d’ailleurs trop nombreux pour que chacun prenne vraiment corps. Parmi eux, les membres de sa famille immédiate, famille éprouvée par de grands malheurs de même que Gilles et Robert, ses amis-amants, et Boris, un jeune homme d’origine russe qui lui inspire un amour tourmenté. Comme on pouvait le présumer, il existe un rapport allégorique entre la vie d’Alex et les plantes de son jardin, qui s’étirent, dévoilent une éphémère beauté, puis se fanent.

L’Heure au jardin, que l’auteur dit avoir écrit «à la mémoire de toutes ces nuits passées au collège à lire La Comédie humaine», entretient avec son illustre modèle un lien certain: le livre montre comment nos multiples relations, familiales, amoureuses ou professionnelles, font l’être social que nous sommes et obéissent à une logique parfois navrante mais souvent incontournable. Et pour ceux que la société rejette, il reste la vengeance. Dans une finale plutôt déconcertante, Alex sera d’ailleurs le proche témoin du geste de vengeance de pauvres bougres qui n’ont pas eu sa chance.

Le lecteur appréciera dans ces pages une invention narrative et un authentique effort stylistique, dans le phrasé surtout, qui nous changent d’une façon d’écrire très normalisée souvent rencontrée de nos jours. Audacieux. Éd. de l’Effet pourpre, 1999, 184 p.