Alain Beaulieu : Le Fils perdu
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Alain Beaulieu : Le Fils perdu

Avec Le Fils perdu, Alain Beaulieu complète la «trilogie filiale» amorcée avec Fou-Bar (1997) et Le Dernier Lit (1998). Ici encore, le moteur du roman est la filiation  père-fils…

Avec Le Fils perdu, Alain Beaulieu complète la «trilogie filiale» amorcée avec Fou-Bar (1997) et Le Dernier Lit (1998). Ici encore, le moteur du roman sera la plus grande des forces de la nature, le lien parent-enfant, la filiation père-fils en l’occurrence.

Le livre est fait de deux parties apparemment distinctes: l’une ancrée dans la fiction, l’autre dans la réalité. Côté fiction, l’histoire déchirante de Louis, un garçon qui grandit sans savoir que son père n’est pas celui qu’il croit. Il a presque neuf ans quand le mensonge est débusqué par Bruno, ami de jeunesse du père biologique et du père légal – tous trois étaient inséparables, à l’époque. Devenu psychologiquement instable, Bruno se pose en juge et décide de révéler les circonstances adultères de la conception. La vérité aura l’effet d’une bombe, chez les anciens copains. «N’est-il pas ironique que chaque trahison procède d’un attachement? Et quand on pense que cette amitié préalable résulte essentiellement du hasard des rencontres, on se dit qu’on est bien peu de choses devant la force déferlante du destin.»

Dans la seconde partie du livre, nous passons du côté de la réalité, une réalité qui entretient un rapport étroit avec la fiction initiale, au point d’en prolonger le récit. Entre en scène l’écrivain Samy Martel, de Québec, lui-même père d’un fils adultérin. Martel est connu du public grâce à ses romans L’Esco-Bar et Le Lit – la première moitié du livre constitue d’ailleurs sa toute dernière parution. Jusqu’où va le lien entre cet écrivain fictif et Alain Beaulieu?

Tout ce petit monde court vers une finale étourdissante, où apparaîtront aussi les personnages des romans précédents, alors que les recoupements entre réel et fictif créent une densité romanesque croissante.

Beaulieu a donné un aspect franchement théâtral à certaines scènes, ponctuées de monologues qu’on imagine facilement déclamés sur les planches, avec le projecteur soudain braqué sur un seul personnage. Autrement, la majeure partie du texte s’articule sous forme de dialogues, plus exploités encore que dans les deux premiers volets.

On regrettera quelque peu, dans ces dialogues, une écriture toujours à cheval sur le français littéraire et le parler québécois, qui trahit une indécision dans le ton. Comme si l’auteur avait dû faire des compromis à l’étape du manuscrit.

Cette réserve mise à part, Alain Beaulieu boucle sa trilogie avec un roman fort habile, bâti avec audace et intelligence. Pas facile, en effet, d’imbriquer deux histoires de manière aussi cohérente. Sans compter, peut-être, la sienne… Éd. Québec Amérique, 1999, 408 p.