Alain Gagnon : Almazar dans la Cité
Livres

Alain Gagnon : Almazar dans la Cité

Romancier et poète, auteur d’une douzaine de romans et de sept recueils poétiques, Alain Gagnon est un écrivain étonnant. Ses livres se suivent et ne se ressemblent pas…

Romancier et poète, auteur d’une douzaine de romans et de sept recueils poétiques, Alain Gagnon est un écrivain étonnant. Prolifique, mais aussi polyvalent, ses livres se suivent et ne se ressemblent pas.

Ainsi, ses plus récents romans, Sud et Thomas K. (Éd. de La pleine lune, 1995 et 1997), tous deux couronnés par le Prix fiction-roman du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean, étaient de factures contrastées. Le premier, à la structure éclatée, décrivait une dérive poétique et sensuelle dans le Sud des États-Unis; le second, véritable saga, plus linéaire, racontait la vie d’un bâtisseur au temps de Duplessis. Avec Almazar dans la Cité, roman picaresque «post-post-moderne», selon l’expression de son auteur, nous sommes conviés à un hallucinant feu d’artifice littéraire. Une fois encore, ce romancier de près de soixante ans prouve que la jeunesse en littérature a peu à voir avec l’âge du créateur.

Et on comprendra en lisant ce livre-ci que la fraîcheur d’un auteur tient avant tout dans l’inaliénable liberté qu’il s’accorde à lui-même. Cette audace, déjà remarquable dans les précédentes œuvres d’Alain Gagnon, prend ici des proportions cervantesques, et pour cause. Le livre est le récit baroque à souhait des aventures rocambolesques du héros, Almazar Trudeau, fan inconditionnel du Chevalier à la triste figure et de Cervantès, lecteur passionné de Don Quichotte et de quelques autres romans chevaleresques comme Les exploits du valeureux Amadis de Gaule. Homme de son temps, c’est-à-dire d’ici et maintenant, Almazar est une sorte de prêteur sur gages qui fait appel aux services d’un fier-à-bras énorme, du joli nom de Poupée Pinsonneau, pour récupérer les sommes qui lui sont dues. «Il doit hanter les nuits de mes débiteurs. Il paraît – ou on imagine qu’il pourrait paraître – et les porte-monnaie s’ouvrent, on découvre des sources d’argent insoupçonnées. La terreur qu’il inspire réduit à elle seule la violence habituellement nécessaire dans un métier comme le mien», dira Almazar.

Il serait difficile, ou plutôt, impossible, de résumer en quelques lignes les péripéties innombrables de ce roman épique, anachronique, délirant. Où l’on apprend qu’Almazar a gagné son écuyer Sancho au poker. Où il fait la conquête d’une Dulcinée du nom de Douce Tremblay-McLaren. Où le valeureux Almazar cherche les conseils de son frère Maurice, prof de littérature qui se suicidera par désespoir. Où, enfin, Almazar, en proie à des profiteurs qui tentent d’abuser de son amour pour Don Quichotte, demandera à Alain Gagnon d’écrire son histoire, de faire de lui un personnage digne de ce nom. Mission accomplie!

En plus d’être divertissant et drôle, Almazar dans la Cité est aussi et avant tout, peut-être, un roman sur le roman, une réflexion vivante et tonifiante sur l’art et le plaisir d’écrire.
Éd. Lanctôt, 1999, 190 p.