Arthur Ghost : Blockhaus
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Arthur Ghost : Blockhaus

Voici le premier roman policier de Daniel Giguère, alias Arthur Ghost. Blockhaus, un excellent meurtres et mystères qui pourrait arriver près de chez vous.

Il se nomme Daniel Giguère, a écrit quelques nouvelles, certaines réunies dans un recueil intitulé Quartiers d’hiver, paru aux éditions Vents d’ouest en 1997. Mais quand il a rédigé ce polar, Giguère a eu envie de s’appeler Arthur Ghost. «C’est plus noir, confie-t-il au bout du fil avec une certaine ironie dans la voix. Ça convient parfaitement pour un polar.»

Lui qui travaille comme superviseur technique chez un fabricant de pièces pour machines à coudre («Je ne vois qu’un point commun avec le roman policier: le plaisir de la mécanique, de l’emboîtement des pièces») a découvert l’écriture de polar sur le tard. «C’est arrivé bizarrement, je ne me destinais pas du tout à écrire un roman policier. J’avais cette vision d’un homme isolé, qui ne voulait pas bouger de son fauteuil, de son appartment, de son immeuble. Et puis, peu à peu, en racontant son histoire, je me suis rendu compte qu’il cachait quelque chose.»

Le tout commence par un meurtre, puis un huis clos. Et ce protagoniste, Archibal Dureste: planté au milieu de son décor, il ne veut pas céder à l’entrepreneur qui, lui, veut démolir l’immeuble pour construire du neuf. «D’abord, les personnages réagissaient au refus du vieil homme. Mais ça ne me plaisait pas, j’ai donc inséré d’autres histoires, d’autres éléments; à la deuxième version (j’en ai fait trois), l’idée du polar m’est venue, et j’ai aimé ça!»

Si, souvent, les auteurs découvrent leur roman au fur et à mesure qu’ils l’écrivent – faisant enrager ceux qui se tuent à écrire des plans détaillés, mais chacun sa manière – , Giguère-Ghost,lui, a tout appris en écrivant. «Je fais partie de ceux qui commencent un texte sans savoir comment il va finir. Et c’est comme ça que le côté roman policier s’est greffé à mon histoire tranquillement.»

Au-delà du bien et du mal

Dans le roman de Giguère, l’entêtement de Dureste à s’incruster dans le vieil immeuble finit par devenir quasiment surréaliste: au terme d’une longue séance de persuasion, le tout bascule dans l’horreur, sans qu’on ne voie rien venir. De loufoque, le récit devient tout à fait sérieux, et met en jeu des sujets importants, tels que la morale… «La question de la morale m’importe énormément: je me demande toujours (je ne peux pas me résigner) pourquoi le mal reste presque toujours impuni. Comment se fait-il qu’on sait souvent d’où il vient, et qu’on ne réagit pas? Dans mon histoire, un crime reste caché pendant des années: mais on voit ça tous les jours, je n’ai rien inventé. Comment cela se peut-il?»

En fait, Giguère nous rappelle que le polar est le genre par excellence pour parler du bien et du mal. Et c’est sans doute la dimension la plus profonde de son Blockhaus, roman dans lequel les méchants ne sont pas ceux qu’on pense. Écrit simplement, sans jeu de style, et de facture assez classique, c’est la construction du récit qui frappe, sa précision, sa mécanique bien huilée. Aucun personnage, aucune anecdote ne sont laissés au hasard, chaque élément s’assemblant aux autres pour donner du punch au dénouement. «Je me suis laissé guider par mes personnages, raconte Giguère. Je les découvre moi-même quand j’écris, au fur et à mesure que l’action se déroule. J’avoue humblement que je n’ai pas trouvé cela difficile. Je n’ai pas de problème d’imagination: il n’y a qu’à écouter et lire ce qui se passe autour de nous!»

Dans Blockhaus, plusieurs thèmes sont abordés: la vieillesse, la solitude, l’abandon, l’individualisme, entre autres. Mais si les choses tournent mal au 707, Rosemary Boulevard, c’est aussi qu’il y a des gens cinglés qui traînent dans les rues, et qui, quoi qu’on fasse, sont capables de provoquer des catastrophes. Vous aurez beau parler du bien et du mal, il y a des gens qui échappent à toute raison, à tout entendement. «Je voulais dire également, dans ce roman, que cet homme qui reste collé chez lui n’est pas un fou: dans son monde, tout est logique. C’est ça aussi qui déroute: à quel point la morale n’a pas de prise sur bien du monde! Et ce qui me surprend le plus, quand j’observe toutes ces agressions, ces meurtres, c’est que tant de criminels restent impunis; je n’en reviens tout simplement pas… Et je vous avoue que, pour moi, le polar est un moyen de réfléchir sur tout ça, sur la violence et l’indifférence des gens…»y

Blockhaus

d’Arthur Ghost

Éd. Trait d’union, 1999, 197 p.