Daniel Pigeon : Dépossession
Après avoir publié deux recueils de nouvelles – Hémisphères et Absurderies (Éd. XYZ, 1994 et 1996) – et un roman remarqué, La Proie des autres (Éd. XYZ, 1998), Daniel Pigeon poursuit son exploration des formes narratives dans un second roman, Dépossession.
Après avoir publié deux recueils de nouvelles – Hémisphères et Absurderies (Éd. XYZ, 1994 et 1996) – et un roman remarqué, La Proie des autres (Éd. XYZ, 1998), Daniel Pigeon poursuit son exploration des formes narratives dans un second roman, Dépossession. Cette fois, l’amoureux du Brésil, théâtre de plusieurs nouvelles et du premier roman, situe l’action au Mexique, contrée à la mode s’il en est. En fait, il faudrait dire que l’histoire se déroule entre le Mexique et une ville du Nord, Montréal. Et met en scène quelques contemporains à l’esprit perturbé.
L’écrivain originaire de Rimouski, formé en traduction et en littérature sud-américaine, s’écarte des récits traditionnels, linéaires, et s’inspire de romanciers tel Mario Vargas Llosa, dont il se réclame, pour élaborer des oeuvres aux multiples narrateurs, aux différents niveaux de réalité, avec retours en arrière et pages d’écriture surgies de l’imaginaire des personnages. Cela a le mérite de donner des oeuvres déroutantes, intrigantes, déstabilisantes. C’était le cas de La Proie des autres, l’histoire d’une adolescente victime d’un soi-disant envoûtement au Brésil, et d’abus sexuel de la part de son père, histoire en fragments dont il fallait démêler l’écheveau avant d’en saisir l’essentiel.
Quant à Dépossession, il s’agit de la dérive d’un couple d’homosexuels montréalais, Yves et Antoine, qui sera en partie racontée par leur colocataire, Charlotte. En alternance, nous lirons des extraits d’un roman mi-science-fiction, mi-bande dessinée, de plus en plus invraisemblable, écrit par Yves. Puis la retranscription des séances d’Antoine chez le psy. En jouant sur la frontière ténue qui sépare le réel de la fiction, Daniel Pigeon montre des moments du quotidien de ses personnages, où explosent des disputes et des discussions d’une banalité extraordinaire.
Les pages du roman citées dans le roman ne sont guère crédibles et l’on ne saisit pas d’emblée à quoi l’auteur veut en venir. On comprendra, si l’on s’entête à poursuivre la lecture, qu’Yves, qui se transformera progressivement en Yvel Maricourt, son nom de plume et son personnage d’écrivain, est un être passablement détraqué. Antoine affirme d’ailleurs que son amant est en train de lui voler son identité, de là le titre du roman. Le tout se terminera dans un bain de sang inattendu.
Les intentions du romancier sont louables, et il a prouvé, avec son premier roman, que cela pouvait être probant. Dans ce cas-ci, à trop vouloir brouiller les pistes, il risque de perdre l’intérêt du lecteur avant le dénouement. Peut-être simplement parce que, au-delà de la recherche formelle, ce qu’il avait à raconter n’en méritait pas tant. Les êtres qu’il décrit y apparaissent entre réalisme plat et fantaisie loufoque, avec pour résultat qu’il est bien difficile de s’y attacher, ou d’y croire, tout simplement. Éd. XYZ, 1999, 200 p.