Manifeste d'écrivaines : pour le 21e siècle
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Manifeste d’écrivaines : pour le 21e siècle

À l’initiative de France Théoret, le Manifeste d’écrivaines est également signé par Michelle Allen, Bianca Côté, Charlotte Gingras, Hélène Lépine, Germaine Mornard et Maryse Pellerin. Des femmes qui en ont marre de la pensée unique, de la loi de la moyenne.

Les artistes en ont marre. À l’heure où la critique est remise en question, en France, par Patrice Leconte et une bande de cinéastes écoeurés des jugements personnels portés à leur égard, quelques écrivaines d’ici veulent aussi brasser la cage.

À l’initiative de France Théoret, ce Manifeste d’écrivaines est également signé par Michelle Allen, Bianca Côté, Charlotte Gingras, Hélène Lépine, Germaine Mornard et Maryse Pellerin. Que cherchent-elles à affirmer dans cette déclaration? Qu’elles en ont marre, entre autres, de la pensée unique, de la loi de la moyenne. «Nous sommes des femmes de culture, des écrivaines, des lectrices. / Nous reconnaissons pour chacune la nécessité de créer sa pensée et sa liberté. La libre expression de ce que nous sommes et la pensée sont indissociables.»

Qui les contredirait? Autre cible: les médias. «Nous croyons à l’intelligence de la faculté critique. Nous constatons la marginalisation persistante et le rejet de toute pensée critique. Des chroniqueurs portent désormais des jugements moraux plutôt que littéraires sur les oeuvres. Ce recul est inquiétant.» Si, au Québec, il peut arriver que certains journalistes se permettent des attaques personnelles, il est pourtant bien rare de trouver dans la critique québécoise l’animosité et la hargne des Français. Les signataires dénoncent un manque d’esprit critique, et elles ont raison: mais ce manque s’applique à tout le monde, médias, politiciens, entrepreneurs, citoyens, etc.

Les auteures revendiquent le droit à la marginalité, à la différence, à la singularité, et refusent d’entrer dans le moule. Qui le leur reprocherait? Selon elles, c’est ce statut de marginales qui les défavorise dans cette «société du spectacle». Nous avons besoin, écrivent-elles, de «visionnaires», de «ceux qui n’appartiennent ni à un parti, ni à une secte, ni à une chapelle»: mais ceux-là ne choisissent-ils pas volontairement de se mettre à l’écart parce qu’ils critquent les institutions, les idées toutes faites? Au risque de commettre une lapalissade, garder un esprit libre a toujours été, et sera toujours plus difficile.

Plus loin, les écrivaines répondent à une accusation qui semble leur avoir été faite (et il est vrai que j’ai déjà entendu ça quelque part, mais je croyais cela négligeable, tellement c’est dépassé): «Nous n’acceptons pas l’idée réactionnaire que le Québec fut une société matriarcale et que la position des femmes, y compris dans les lettres et les arts, a été privilégiée.» Pourquoi ne nous donne-t-on pas d’exemples? Qui dit encore ces choses aujourd’hui?

Rien n’est vraiment nouveau dans ce Manifeste: peut-être a-t-on ciblé trop de choses en même temps: la pensée unique, la littérature, le statut de l’écrivain, mais aussi le rôle de la citoyenneté, le statut de la langue au Québec, etc. Des sujets passionnants, sur lesquels déjà beaucoup de livres ont été écrits. Les textes qui suivent le Manifeste, et signés par les auteures, sont sans doute plus éloquents, puisque plus proches de l’écriture, thème qui est, finalement, au coeur de cet ouvrage. Éd. Trois, 1999, 51 p.