Stéfani Meunier : Au bout du chemin
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Stéfani Meunier : Au bout du chemin

Au bout du chemin, c’est un univers en dix nouvelles dont la plupart sont plantées dans ce décor des Laurentides et baignent dans cette ambiance de vacances entre deux sessions d’université, ce temps flou entre l’adolescence et l’âge  adulte.

Des petits chalets tout près de lacs noirs et profonds, au bout de chemins longeant des forêts enneigées. Des maisons au bord de l’eau comme autant de refuges après l’amour déçu. Des chats amoureux des papiers que laisse partout traîner leur maîtresse; des souvenirs d’enfance nostalgiques; des amies avec qui on ne sort jamais avant 23 h, vêtues de court, dans le grand froid; de la musique, toujours – des Beatles à Dan Bigras, en passant par les Classels, Pavarotti et les Doobie Brothers – jouée à tue-tête dans les voitures roulant vers le Nord, ou traversant les cloisons de chambres de motels pas chers; des bars d’hôtels où règnent des gérants qui se prennent pour des cow-boys ou des vedettes d’Hollywood; des pianistes vieillissants aux voix encore séduisantes; voilà un peu ce que l’on retient du premier recueil de Stéfani Meunier, Au bout du chemin.

Un univers en dix nouvelles dont la plupart sont plantées dans ce décor des Laurentides qu’elle semble parfaitement connaître, et baignent dans cette ambiance de vacances entre deux sessions d’université, ce temps flou entre l’adolescence et l’âge adulte, entre les études et le travail, cette époque (pas nécessairement bénie) où les relations amoureuses sont le centre de l’univers.

Si les dix nouvelles d’Au bout du chemin ne se situent pas toutes dans ces paysages du Nord (Sainte-Agathe, Saint-Jérôme, Saint-Adolphe, Mont-Laurier) chéris surtout par ceux qui ne font qu’y passer leurs vacances (la première nouvelle se passe à Sorel, Le Chef-d’orchestre, à Montréal), ce sont eux qui nous restent en mémoire, et qui semblent le plus inspirer la jeune auteure.

Et s’il n’est pas seulement question d’amours qui déchantent (Des yeux de vache, très touchante, parle plutôt de violence conjugale; et L’Heure du bain, des ravages de la vieillesse), la plupart des héroïnes de Stéfani Meunier sont de toutes jeunes femmes qui aiment éperdument des hommes que l’amour effraie. Des femmes pour qui une aventure d’un soir est un cadeau du ciel, et où rien n’importe plus que d’être aimée, fût-ce par un play-boy superficiel (Warm Love), un homme beaucoup plus âgé (Sorel), ou ce pianiste de bar irrémédiablement alcoolique (Le Pianiste). Des amours, évidemment, invariablement déçues. Des amours rêvées, idéalisées, qui ne tiennent pas la route. Mais qui sont autant de passage obligés vers autre chose, vers ce bout de chemin, peut-être, qui mène tout droit vers l’âge adulte.

Premier recueil de nouvelles de cette jeune auteure née en 1971, Au bout du chemin révèle une écriture moins retenue que pudique. Une écriture conjuguée la plupart du temps à la première personne et au présent, qui trahit un souci presque exagéré pour l’exactitude du moindre fait, pour la chronologie du moindre événement, ce qui peut parfois en rendre la lecture monotone («Nous sortons de la voiture, entrons dans l’hôtel, traversons le

hall d’entrée. (…) Nous entrons au bar prendre un digestif. Nous choisissons une table tout près du musicien. Il tire une chaise pour moi, je m’assois. Je regarde ma montre. Il prend place à côté de moi.» etc.). Une écriture qui, lorsqu’elle s’enhardit un peu, donne les meilleurs résultats, comme dans Warm Love, où la voix de la narratrice est plus ferme, plus

assurée, et où elle se permet la colère et la dérision. «Une autre année qui commence, écrit-elle. Premier janvier 1997. Une autre année à regarder un afficheur qui n’affiche rien, parce que les hommes de 1997, comme les hommes de 1996, n’appellent pas pour dire qu’ils ne rappelleront plus, qu’ils n’ont plus rien à nous dire (…)». À la radio, joue cette chanson de Joe Cocker: «Now that the magic has gone / you just wanne walk away».

Au bout du chemin est un recueil pas tout à fait mature, les nouvelles sont d’inégal intérêt, un peu redondantes, trop semblables ou comme déplacées. L’écriture est souvent trop sage, comme si l’auteure avait peur de déranger, peur de bousculer les normes, mais c’est un premier recueil, une première invitation dans un imaginaire à l’intérieur duquel nombre de lectrices, et de lecteurs, vont se reconnaître. Il y souffle un vent de jeunesse bienvenu et rafraîchissant.

Au bout du chemin

de Stéfani Meunier

Éd. du Boréal, 1999, 150 p.