Victor-Lévy Beaulieu : Un loup nommé Yves Thériault
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Victor-Lévy Beaulieu : Un loup nommé Yves Thériault

Pour avoir entrepris la réédition de ses oeuvres complètes, Victor-Lévy Beaulieu a publié relativement peu d’inédits depuis quelques années. En voici un passionnant pour les amateurs de la petite histoire littéraire du Québec et pour tous ceux qui s’intéressent à la naissance d’une vocation d’écrivain.

Pour avoir entrepris la réédition de ses oeuvres complètes en trente et quelques volumes, Victor-Lévy Beaulieu, écrivain et éditeur d’envergure nationale convaincu de l’importance du travail en région, a publié relativement peu d’inédits depuis quelques années. En voici un passionnant pour les amateurs de la petite histoire littéraire du Québec et pour tous ceux qui s’intéressent à la naissance d’une vocation d’écrivain.

Dans cet essai intitulé Un loup nommé Yves Thériault, l’auteur du téléroman Bouscotte évoque ses relations pas toujours tranquilles avec l’auteur d’Agaguk, emmêlées à sa propre vie. Car, pour rendre compte de l’importance qu’a eue pour lui l’un des romanciers les plus prolifiques de notre histoire, et le premier semble-t-il à avoir vécu de sa plume, Victor-Lévy Beaulieu doit remonter à son enfance. Celle-ci s’est déroulée sur la terre de son père, cultivateur par dépit plus que par goût, dans le rang Rallonge de Saint-Jean-de-Dieu, dans l’arrière-pays de Trois-Pistoles. Cette terre, ses champs, ses boisés, sa rivière, apparaît comme le paradis perdu de l’écrivain, qui ambitionna, adolescent, de la racheter de ses parents pour y vivre et y prospérer. Il n’en fut pas ainsi, et VLB fut pris de court, trahi en quelque sorte par son paternel qui vendit tout en son absence.

Exilé à Rivière-des-Prairies, en périphérie de la métropole, le futur romancier écrit un jour à Yves Thériault, alors journaliste, qui tenait la chronique Pour hommes seulement, une fois la semaine, dans le journal La Patrie. Victor-Lévy a quinze ans et, désemparé, il confie ses difficultés, espérant une écoute, un conseil. Sa lettre, «ce texte de moi, écrit-il, le seul véritablement authentique sans doute que j’aie écrit dans toute ma vie de scribouilleur», non seulement sera publiée mais largement commentée par Thériault et restera l’étincelle, l’«événement fondateur» d’une vie consacrée à l’écriture.

Toute sa vie, VLB croisera Yves Thériault, à la fois dans ses livres, qui le marqueront au plus haut point, et au fil d’une amitié explosive, qui aura ses hauts et ses bas. Le jeune homme se reconnaîtra dans l’histoire personnelle de son modèle; il deviendra son ami; une rupture viendra, puis des retrouvailles. Dans les années soixante-dix, devenu éditeur, il verra un jour Thériault débarquer avec des caisses de manuscrits inédits, qu’il publiera, devenant ainsi son éditeur. Au fil des événements, des innombrables anecdotes qu’il se remémore, Victor-Lévy Beaulieu trace, dans Un loup nommé Yves Thériault, un portrait touchant de l’homme contradictoire qu’était Thériault, une nature d’homme en fait, coureur de jupons, colérique, alcoolique, souffrant par moments d’un complexe de persécution, mais néanmoins grand écrivain, grand conteur, qui, encore aujourd’hui, n’a peut-être pas reçu toute la reconnaissance méritée de l’institution littéraire. Mais, par-dessus tout, l’essayiste, qui replonge pour nous dans les oeuvres de son mentor pour en dégager les lignes maîtresses, sait dire la passion, la force qui lui furent communiquées par ce géant de notre littérature.

Un loup nommé Yves Thériault

Éd. Trois-Pistoles, 1999, 270 p.