

Danielle Charest : L’Échafaudage
Le second polar de Danielle Charest part d’une idée originale: mettre en scène un véritable commando de femmes, redoutablement organisées, avec des membres dans diverses villes. Des femmes qui n’hésitent pas à s’armer, voler, se travestir, pour défendre la veuve et l’orpheline…
Marie-Claude Fortin
L’histoire se passe à Montréal, dix ans après la tuerie de Polytechnique, autant dire aujourd’hui. Gertrude Champlain, députée indépendante reconnue pour son militantisme féministe, se retrouve à l’hôpital après avoir été victime d’un attentat. Qui a engagé les punks qui l’ont visée et manquée de justesse? Qui a fait fouiller son bureau de fond en comble? Des membres de son ex-parti: le Parti du renouveau? Ou ceux du Regroupement Politique?
Dans un camp comme dans l’autre, tout le monde semble avoir ses raisons de faire taire «la» Champlain, qui dérange tout le monde en voulant déterrer le cauchemar de Poly, en enjoignant le gouvernement de déclarer officiellement qu’il s’agissait bel et bien d’un attentat antiféministe, et qui promet son vote au parti qui présentera une motion pour édifier un monument à la mémoire des victimes. Pendant que les rumeurs vont bon train, et que Gertrude Champlain attend d’être libérée de sa chambre d’hôpital, les membres du Groupe, une organisation secrète de femmes qui ont décidé de se défendre par elles-mêmes, veillent à leur propre enquête.
Paru dans la célèbre édition du Masque, le second polar de Danielle Charest (L’Érablière, aussi au Masque) part d’une idée originale: mettre en scène un véritable commando de femmes, redoutablement organisées, avec des membres dans diverses villes. Des femmes qui n’hésitent pas à s’armer, voler, se travestir, pour défendre la veuve et l’orpheline. Chauffeurs de taxi, propriétaires de restaurant, musiciennes, avocates, elles ont toutes à coeur de combattre, plutôt que de dénoncer, la violence faite aux femmes.
Le danger, avec ce type de roman où l’on suit en parallèle un grand nombre de personnages, c’est de perdre le fil. La clarté du style devient essentielle. Or, celui de Danielle Charest est trop brouillon, trop lourd; ses phrases, trop longues, bourrées de parenthèses, de points virgules, de tirets et de digressions. Il arrive même que l’on perde littéralement le sujet du verbe. Dommage, car il y a quelque chose de réjouissant dans ce «roman très noir sur fond d’émeute (qui) brise les glaces du froid canadien», dixit l’éditeur très français. Un esprit festif, comme si l’auteure, libérée de toute contrainte, s’en était donné à coeur joie. Il y a quelques scènes mémorables, comme celle où des membres du Groupe, armées et masquées, passent un interrogatoire très musclé aux deux punks. Et puis, un Groupe d’héroïnes militantes, féministes, lesbiennes, dans le petit monde du polar, avouez que ça ne s’est pas vu souvent.
À noter: l’éditeur a cru bon d’avertir le lecteur français que «certains mots ou expressions peu ou plus utilisés en France ont conservé un sens très contemporain au Canada francophone». Dans un petit lexique ajouté au début du roman, ces mêmes lecteurs français découvriront, entre autres, qu’en québécois, magané veut dire blessé, side-line est l’équivalent d’aparté, et bienvenue se traduit par petit-déjeuner?!?… Éd. du Masque, 1999, xxx p.