Hôtel Bristol New York, N. Y. : L'hôtel des coeurs brisés
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Hôtel Bristol New York, N. Y. : L’hôtel des coeurs brisés

Soutenu par une machine promotionnelle redoutable, MICHEL TREMBLAY a peu ébloui ces dernières années. La plaquette intitulée Hôtel Bristol New York, N. Y., qu’il vient de publier, ne laissera malheureusement pas de souvenirs inoubliables à ses lecteurs et lectrices.

On peut comprendre, après quelques décennies de création d’oeuvres remarquables, qui en ont fait l’auteur le plus connu et le plus adulé du Québec, que Michel Tremblay ait envie de se laisser bercer par son succès, de profiter un peu de la manne populaire qui s’offre à lui. Soutenu par une machine promotionnelle redoutable, assuré d’amasser son petit pécule bon an, mal an, le romancier a cependant peu ébloui ces dernières années. C’est à la scène, avec Encore une fois, si vous permettez, qu’il a donné le meilleur de lui-même. Malheureusement, la plaquette intitulée Hôtel Bristol New York, N. Y., qu’il vient de publier, ne laissera pas de souvenirs inoubliables à ses lecteurs et lectrices.

Pour situer l’objet, disons qu’il fait partie de ce volet de l’oeuvre mettant en scène l’alter ego de l’écrivain, Jean-Marc, prof de littérature qu’on a connu dans les pièces Les Anciennes Odeurs et La Maison suspendue, puis dans les romans Le Coeur découvert et Le Coeur éclaté. Exilé une fin de semaine à New York, seul, Jean-Marc décide d’écrire à un ami psychanalyste, Dominique, à Paris, pour lui faire part d’un malaise qui s’est emparé de lui quelques jours plus tôt et qui ne le lâche plus. Le «roman», de moins de 100 pages, consiste en fait en une longue lettre rédigée au fil des nuits et des jours dans la chambre qu’il occupe à l’hôtel qui donne son titre au bouquin.

Bien sûr, avec ses 30 ans d’écriture, Michel Tremblay a acquis un métier, une aisance dans la narration qui lui permet de capter et de garder l’attention du lecteur. Force est de constater, dans ce cas-ci, que cette habileté ne masque pas, cependant, la minceur de son propos. Parce qu’il a été surpris, un après-midi, en déambulant rue Sainte-Catherine, de reconnaître son frère aîné dans sa propre image reflétée dans une vitrine, Jean-Marc ne trouve plus le sommeil. À l’idée de ressembler à ce point à ce frère tant détesté, il se met à broyer du noir, organise un souper avec ledit frère pour vérifier la ressemblance, et tente de comprendre ce qui le trouble tant dans cet état de choses. Il y a évidemment un événement de l’enfance des deux frères qui les a irrémédiablement éloignés l’un de l’autre, qui va lui revenir, souvenir enfoui au plus profond de lui-même. Ce moment marquant, l’écrivain nous le garde pour la fin, sans parvenir à nous émouvoir, malgré l’importance affective qu’il a pu avoir pour son héros. Peut-être la déception vient-elle du fait que, tout au long de son récit, Jean-Marc avertit son interlocuteur, dont on ne sait rien par ailleurs, que la révélation s’en vient. Comme s’il voulait étirer le temps et remplir un minimum de pages.

S’il y a bien quelques passages touchants ou drôles dans cet Hôtel Bristol New York, N. Y., il n’en reste pas moins que le principal exploit de l’auteur aura été de réussir, dans une oeuvre si peu volumineuse, à distiller l’ennui. Vite lu, vite oublié.

Hôtel Bristol New York, N. Y.,
de Michel Tremblay
Éditions Leméac / Actes Sud
1999, 96 pages