Didier Daeninckx : La Repentie
Auteur de plus de trois douzaines de titres, dont plusieurs recueils de nouvelles, Didier Daeninckx n’a jamais eu à se repentir de son précoce amour pour le polar.
Auteur de plus de trois douzaines de titres, dont plusieurs recueils de nouvelles, Didier Daeninckx n’a jamais eu à se repentir de son précoce amour pour le polar, genre à ce point peu fréquentable que son père cachait ses Série Noire là où d’autres cachent leurs Playboy: dans le haut de l’armoire. Le polar était alors pour l’auteur de Zapping (Denoël), comme pour plusieurs de ses compatriotes, l’occasion de découvrir l’Amérique.
«Disons que les Américains m’ont donné le goût de lire, et les Français, le goût d’écrire», confiait-il ici en entrevue, en 1993. En fréquentant assidûment les Chandler, Hammet et Jim Thompson, l’auteur de Zapping et de Meurtres pour mémoire (Denoël) a bâti une oeuvre qui, si elle transcende souvent le genre, continue d’explorer les côtés les plus obscurs du coeur.
C’est à Saint-Nazaire que Daeninckx a situé La Repentie, ce roman glauque et chargé comme un fond de fleuve limoneux. Saint-Nazaire, hôte du célèbre Festival du roman policier que Daeninckx a d’ailleurs déjà présidé; ville côtière où les touristes se gavent de crustacés et où les groupes de l’âge d’or viennent en bus célébrer des anniversaires. Quand Brigitte, la Repentie du titre, sort de taule après plusieurs années de détention, avec en poche ses maigres possessions et une toute nouvelle identité, qu’elle gagne la gare de Montparnasse et qu’elle demande au guichetier un billet pour le prochain train, quelle que soit sa destination, c’est à Saint-Naze, donc, que le hasard la porte. Et c’est là qu’il mettra sur sa route le bon Stellio, «pêcheur d’épaves» de son métier. Deux êtres résolument destinés à se rencontrer.
La Repentie raconte la tentative de réinsertion sociale de Brigitte, qui s’appellera désormais Isabelle. Réinsertion qui passe d’abord par la reconquête de son autonomie. Engagée par un patron qui la trouve trop jolie pour rechigner sur son manque d’expérience, elle commence à travailler comme serveuse dans un restaurant hôtelier où Stellio va souvent manger avec ses collègues. Le soir, crevée, elle sort se promener avec lui, lequel comprend très rapidement, comme nous, que Brigitte cache un passé très lourd, et traîne une culpabilité qui lui grignote le coeur. Didier Daeninckx a écrit ce roman sur le passé qui traque, sur la faute et le repentir, comme on filme des personnages, sans voix off. Pas un instant il ne cède à l’introspection. Ses dialogues sont naturels, justes, hautement crédibles. Aussi réalistes que les descriptions de cette ville que l’auteur semble connaître comme le fond de sa poche. Ou que celles, documentées, fouillées, du métier de pêcheur d’épaves, périlleux et fascinant. On peut, à première vue, trouver l’histoire de La Repentie un peu mince. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Sous sa surface, grouille tout un monde de peines et de misères, et s’inscrit un univers riche qui laisse une forte impression. Éd. Verdier, 1999, 86 p