Marc Rochette : Cette allée inconnue
Cette allée inconnue, le premier recueil de Marc Rochette, mène le lecteur dans un univers singulier. Habile à créer le climat insolite, à ménager la chute inattendue, l’auteur a pondu des nouvelles brèves.
Cette allée inconnue, le premier recueil de Marc Rochette, mène le lecteur dans un univers singulier. Habile à créer le climat insolite, à ménager la chute inattendue, l’auteur a pondu des nouvelles brèves, souvent inspirées des questionnements de l’écrivain devant l’oeuvre à faire. Dans une perspective plus large, c’est l’isolement qui est au coeur de ce livre, ainsi que les voies par lesquelles on tente d’en sortir.
Hardi, Marc Rochette jongle avec les formes comme avec les temps de verbes, privilégiant tantôt le futur, tantôt le conditionnel, écrivant telle nouvelle au vous, telle autre au tu, ce qui n’est pas banal (et nous interpelle étonnamment), composant un livre d’une belle richesse narrative.
On appréciera, parmi les nombreux récits de dérives amoureuses, les pages où l’auteur nous entraîne dans des zones plus sombres, voire noires, comme c’est le cas avec Son impression, une nouvelle dont les quelques lignes suffisent à nous bouleverser. Y sont racontés les derniers pas d’une femme qui admire les beautés architecturales de sa ville, sans savoir que la mort l’a pointée du doigt.
Si plusieurs textes s’articulent autour d’une émotion, d’un souvenir dont le poids compromet les jours à venir, d’autres relèvent surtout de l’exercice de style, comme Points de vue. La même scène y est tour à tour perçue par différents personnages, qui s’observent les uns les autres à travers une fenêtre et inventent chacun une histoire possible à partir de quelques indices.
L’aventure narrative ne manque jamais d’intérêt littéraire, mais n’échappe pas toujours à la froideur de l’expérimental. Les textes les plus séduisants, au demeurant nombreux, sont ceux où la recherche formelle ne prédomine pas et où Marc Rochette explore davantage le sentiment, sans pour autant trahir l’esprit de concision propre à la nouvelle. Dans L’Ombre de Gershwin, l’auteur nous fait bien ressentir la solitude, celle qui subsiste même dans les bras de l’autre. Cet autre sans qui, pourtant, l’échappatoire n’existe pas: «La chaleur d’un lit ne résulte pas de ce qu’on y fait, mais de ce que chacun tente d’y vivre et d’y faire vivre. Puisque seul l’autre peut nous autoriser à aller le chercher, à le faire durer.»
Cette allée inconnue est le coup d’envoi concluant d’un nouvelliste qui, disons-le, connaît fort bien la chose puisqu’il est directeur du comité de lecture des éditions de L’instant même. Quoi qu’il en soit, voilà une allée à emprunter. Éd. de L’instant même, 1999, 120 p.