Alix Renaud : Ovation
Né à Port-au-Prince en 1945, le poète, nouvelliste et romancier Alix Renaud vit dans la ville de Québec depuis 1968. Le recueil Ovation regroupe trois nouvelles de science-fiction précédemment parues en revues et qui révèlent une grande maîtrise, une belle maturité d’écrivain.
Né à Port-au-Prince en 1945, le poète, nouvelliste et romancier Alix Renaud vit dans la ville de Québec depuis 1968. Journaliste (à Voir Québec, entre autres), critique littéraire, auteur de dramatiques et de documentaires pour la radio de Radio-Canada pendant plusieurs années, il a aussi présent de nombreux récitals de poésie et de chansons. Le recueil Ovation regroupe trois nouvelles de science-fiction précédemment parues en revues et qui révèlent une grande maîtrise, une belle maturité d’écrivain.
À la fois insolites, complexes et bien menées, les histoires contenues dans ce bouquin auraient pu donner lieu à d’excellents romans. En particulier la première, intitulée Exeat, qui nous entraîne dans un univers futuriste quelque peu terrifiant, où vivent des êtres pourtant fort attachants. Cela se passe en 2089 et on aimerait penser qu’il n’y aura pas de si grande mutation d’ici là. Mais comme disait l’autre, on ne sait jamais.
Nous voici dans une ville inventée de toutes pièces, construite en plein désert par Hoku Koto, l’homme sans paupières. Y vivent des hommes et des femmes prisonniers d’un système social contrôlant qui leur laisse peu de liberté. «Tous les mâles et la plupart des femmes avaient le lobe de l’oreille gauche broché d’un petit anneau d’or d’un millimètre de section et laissaient voir, épinglée sur leur combinaison de nylon gris, une mince plaque de métal sur laquelle figuraient un prénom et un matricule», écrit Alix Renaud.
Ces éléments, en particulier l’anneau à l’oreille, sont les instruments de la soumission de ce peuple de mutants à qui on interdit le droit de penser, qui ne connaissent pas le sentiment de culpabilité, mais pourtant s’aiment, s’amusent, se reproduisent si l’Administration en décide. Récit palpitant qui nous mène de trouvailles en moments cocasses, puis nous plonge dans l’horreur des châtiments. On en redemanderait.
Avec Exanoïa, la seconde nouvelle, l’écrivain réussit un nouveau tour de force en nous menant sur les pas d’un savan fou, le docteur Claxton, flanqué d’un journaliste curieux. Tous deux retournent dans un laboratoire assez surréaliste pour essayer de comprendre ce qui a conduit toute une équipe de chercheurs à se suicider. Difficile d’en révéler davantage sans déflorer l’intrigue, mais le voyage vaut le coup: il y a là une dimension philosophique qui transcende la simple histoire bien ficelée.
L’univers décrit dans la nouvelle suivante, qui donne son titre au recueil, est plus réaliste et met en scène une équipe de scientifiques cherchant à comprendre la dure épreuve d’un «couac» fatal qui frappe les plus grandes cantatrices du monde, qui se retrouvent du jour au lendemain aphasiques et enceintes. Retour sur l’origine du monde.
La plume d’Alix Renaud est précise, colorée et vive. L’écrivain sait bâtir des mondes cohérents, où l’insolite n’empêche pas la nature humaine de transparaître dans sa nudité instinctive. Sa prose se lit l’oil aux aguets, dérouté mais attiré, happé par ces mondes autres qui ressemblent parfois tant au nôtre. Éd. Planète rebelle, 1999, 160 p