Claudine Monteil : Les Amants de la liberté
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Claudine Monteil : Les Amants de la liberté

Ce n’est pas une histoire banale que celle de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, et ces deux personnalités souvent controversées ont également mené une vie privée complètement en marge de leur société. C’est ce qui ressort de la biographie croisée écrite par Claudine Monteil, historienne et amie de Simone de Beauvoir, aussi auteure d’un livre sur cette célèbre femme (paru chez Stanké en 1995).

Si vous avez le bonheur de ne pas vivre en France, vous êtes encore capable d’entendre parler de Sartre, lui qui fait la manchette de tous les médias hexagonaux depuis la sortie du livre de BHL, Le Siècle de Sartre. Alors que l’oeuvre paraît chez nous, voici un essai divertissant sur deux grandes figures de la vie intellectuelle occidentale.
Ce n’est pas une histoire banale que celle de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Chacun d’eux a légué une oeuvre littéraire et philosophique qui a marqué le vingtième siècle, influencé les débats sur l’engagement social, sur le féminisme, et divisé l’opinion publique sur la question du communisme. Mais ces deux personnalités souvent controversées ont également mené une vie privée complètement en marge de leur société. C’est ce qui ressort de cette biographie croisée écrite par Claudine Monteil, historienne et amie de Simone de Beauvoir, aussi auteure d’un livre sur cette célèbre femme (paru chez Stanké en 1995).
Monteil se réfère aux sources essentielles des oeuvres: Mémoires d’une jeune fille rangée, La Force des choses, Le Deuxième Sexe, Les Mots, la Correspondance Sartre-Beauvoir, le Sartre d’Annie Cohen-Solal (1985), Situations, etc. Dans son essai, Monteil puise dans des témoignages (notamment dans celui de la soeur de Simone, Hélène, peintre, qui a fréquenté son aînée avec assiduité) et dans certains documents étoffant le récit qu’elle fait de leurs vies.
Ces deux destins exceptionnels, l’auteure nous les présente en parallèle, montrant pour chacun ses origines, le milieu de vie. Austère pour Sartre, qui détestait son beau-père, et communiquait peu avec ses parents, mais avait une relation privilégiée avec son grand-père; plutôt formateur pour Beauvoir dont le père était en faveur du travail pour les femmes (en tout cas pour ses filles).
Les deux étudiants se rencontreront pendant leur préparation de l’agrégation, dans une bibliothèque, bien sûr. Leurs amours naissent sous la bienveillance de livres; et c’est la vie intellectuelle qui les liera plus que tout pendant leurs singulières existences. Une fois célèbres, les deux amants vivront des déchirements amoureux, mais – c’est plus important pour la postérité – également idéologiques. Pourtant, leur vie amoureuse est intéressante; c’était un lieu d’expérimentation, où tous deux essayaient de pratiquer leur morale, et de respecter les principes qu’ils s’étaient prescrits plus jeunes. Par exemple, alors que Sartre s’éclatait avec ses maîtresses (Beauvoir ne s’est pas privée non plus, mais disons qu’elle paraissait moins ostentatoire), sa compagne intellectuelle broyait du noir le soir de son anniversaire. «Le 9 janvier 1945, elle avait fêté, seule, ses trente-sept ans. Et si Sartre ne devait plus revenir? S’il lui annonçait son mariage? S’il reniait pour une autre le pacte de non-mariage qu’il lui avait offert en guise de déclaration d’amour et en signe d’élection suprême?»
Monteil fait alterner tout au long du récit des passages romancés avec d’autres carrément didactiques, ce qui permet une lecture moins lourde de ces vies bien remplies.
L’ouvrage satisfera moins les lecteurs philosophes que le grand public; mais celui-ci aura peut-être envie de retourner aux oeuvres des deux écrivains, ce qui est sans doute le plus grand mérite du livre de Monteil._

Les Amants de la liberté
L’Aventure de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir dans le siècle
de Claudine Monteil
Éd. 1, 1999, 320 p.