dir. Al Sarrantonio : 999, Le Livre du millénaire des maîtres…
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dir. Al Sarrantonio : 999, Le Livre du millénaire des maîtres…

Grosse brique, l’anthologie 999 regroupe vingt-neuf nouvelles, toutes inédites, qui explorent diverses facettes de la littérature fantastique et d’horreur. Avec, en couverture, trois noms d’écrivains qui agissent en tant que locomotive: Stephen King, Joyce Carol Oates et William Peter Blatty,

999, Le Livre du millénaire des maîtres du fantastique
Stephen King et al.

Grosse brique, l’anthologie 999 regroupe vingt-neuf nouvelles, toutes inédites, qui explorent diverses facettes de la littérature fantastique et d’horreur, mais qui ne donnent surtout pas dans le catastrophisme millénariste. En fait, le chiffre inscrit en couverture évoque, selon les notes d’introduction de l’écrivain-éditeur Al Sarrantonio, davantage le 666, qu’on attribue volontiers au diable. Ça donne donc déjà le ton.
Également en couverture, trois noms d’écrivains, et non des moindres, agissent en tant que locomotive: le très mercantile Stephen King, qui signe un des textes les plus saisissants du recueil; la très crédible Joyce Carol Oates, qui fait honneur à sa réputation avec un récit étrange et poignant; et le mystique William Peter Blatty, à qui l’on doit le roman et le scénario de L’Exorciste, et qui ne réussit pas, dans la plus longue nouvelle du livre, à répéter son exploit. Parmi les plus connus figure également David Morrell, le créateur de Rambo, qui démontre qu’il n’a pas que du muscle dans le cerveau, avec une descente dans les enfers de l’Amérique profonde (Le Drame du Rio Grande) assez effrayante et surtout «fondamentalement-» réaliste.
Mais plus de la moitié des auteurs choisis en sont à leur premier texte traduit en français, ce qui nous vaut de bien agréables découvertes; à titre indicatif, mentionnons Chet Williamson, qui, avec Extraits du registre du Nouveau Zodiaque et du journal de Henry Watson Fairfax, explore les aspects formels du récit fantastique, ou encore Michael Marshall Smith et Le Livre des nombres irrationnels, qui nous entraîne dans un univers absurde mais néanmoins sanguinolent.
La plus grande qualité de ce livre est de nous offrir une diversité de tons et de thématiques qui n’est pas sans surprendre le néophyte qui croit que toutes les histoires fantastiques se ressemblent et sont, plus souvent qu’autrement, mal écrites. D’ailleurs,l’objectif avoué de ce livre est de donner ses lettres de noblesse à un genre boudé par l’institution littéraire. Et l’on est forcé de constater que plusieurs de ces nouvelles (contes folkloriques, histoires de fantômes ou de vampires, etc.), dont la longueur varie entre trois et quatre-vingt-dix pages, passent aisément le test de cette opération de réhabilitation. Mais pour le lecteur affamé, qui se fout de savoir si c’est ou non de LA littérature, 999 est d’abord et avant tout un gros livre divertissant qui l’empêchera de dormir, pour son plus grand plaisir.
Les petits défauts, maintenant, et ils sont nombreux. D’abord, peu de femmes sont présentes: elles ne sont que trois (outre Joyce Carol Oates, on y trouve Nancy A. Collins et P.D. Cacek), et la particularité de leurs textes respectifs nous porte à croire que l’ensemble du projet aurait bénéficié d’une plus grande participation féminine. Ensuite, ce livre aurait dû porter l’étiquette de «-maîtres anglo-saxons-», puisqu’aucun écrivain francophone, hispanophone ou d’aucun dialecte autre que l’anglais ne se retrouve dans cette sélection. Finalement, on aurait aimé qu’on nous présente un peu mieux cette ribambelle d’inconnus, autrement que par les quelques notes très personnelles que nous livre l’instigateur du projet, Al Sarrantonio, qui se permet des commentaires désobligeants comme celui-ci: «Sa lucidité, son talent pour faire naître une atmosphère m’ont sauté aux yeux… et ont été pour moi un souffle d’air frais. Si vous n’êtes pas d’accord, vous avez tort.» Rien de moins. De quoi refroidir le plus chaleureux des lecteurs.
Mais, dans le feu de l’action, ces récriminations sont vite oubliées. À moins de 40 $, c’est de l’excellent rapport qualité-prix. Éd. Albin Michel, 1999, 812 p.