Les Oiseaux de verre : Cap tourmente
Premier roman d’ANDRÉE LABERGE, Les Oiseaux de verre nous fait pénétrer dans l’univers complexe et sensible d’une nature humaine blessée, fragile, empreinte d’émotions extrêmes, tantôt douces, tantôt violentes.
À coups de va-et-vient dans l’ordre temporel, Les Oiseaux de verre relate le parcours d’une femme tourmentée, bousculée par une vie difficile, en quête d’un enfant auquel elle ne pourra jamais donner naissance. Cette vie singulière, Andrée Laberge la dépeint à travers les différents personnages qui gravitent autour de cette femme. Elle change donc fréquemment les points de focalisation pour mieux témoigner de ce cheminement. Or, tout en laissant la parole à ces divers actants, la romancière les confine dans l’anonymat, préférant qu’ils se distinguent autrement que par l’identification nominale: «Les personnages n’ont jamais eu de nom et, pour moi, c’était impensable qu’ils en aient un, explique-t-elle. J’étais prête à faire beaucoup d’efforts pour écrire au «je» et que malgré cela, on sache clairement qui parle.»
Ainsi, un seul personnage se trouve à porter un nom, il s’agit de Rosanne, qui est à la fois la poupée du personnage féminin principal et l’enfant qu’elle désire avoir. Car le rapport au corps est au centre du roman d’Andrée Laberge, tout comme la maternité qui semble donner sens à la vie du personnage. D’ailleurs, la maternité apparaît incontournable et peut-être le seul moyen de réconcilier l’âme et le corps de cette femme qui vit les deux de façon séparée: «J’étais un trou noir et, aujourd’hui, je suis un ventre qui se lamente pour être rempli. Je ne suis qu’un désir d’enfant qui ne veut pas mourir.» Mais les rapports humains dans l’univers d’Andrée Laberge sont particulièrement tortueux. Victimes de relations familiales troubles dont ils sont visiblement incapables de s’émanciper, les personnages ne semblent trouver leur délivrance qu’à travers la mort. «Je suis quelque peu fascinée par les comportements marginaux, les émotions excessives», explique la romancière, qui n’a pas hésité à plonger ses personnages dans des situations extrêmes, voire dérangeantes.
Malgré tout, dans ce monde sensible qui s’apparente à une nuit sans fin, quelques lumières scintillent, fruits de l’amitiéqui se porte garante de réconfort et d’optimisme. «J’avais deux objectifs en écrivant ce roman, confie l’écrivaine. D’abord, raconter une histoire qu’on lit jusqu’au bout à force de découvrir des indices, puis rendre des émotions fortes simplement de façon factuelle, presque sans les décrire.» Voilà qui est fait.
Les Oiseaux de verre,
d’Andrée Laberge
La courte échelle
2000, 191 pages