Daoust/De Bellefeuille : La mélancolie des poètes
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Daoust/De Bellefeuille : La mélancolie des poètes

Le premier opus des Saisons de l’ange de Jean-Paul Daoust regroupait des «Poèmes de printemps» et des «Poèmes d’été». Ayant mené à terme son projet d’écrire un poème par jour pendant une année, soit un cycle de 365 textes répartis sur quatre saisons, il publie Les Saisons de l’ange II, qui contient les «Poèmes d’automne» et les «Poèmes  d’hiver».

Le premier opus des Saisons de l’ange de Jean-Paul Daoust, paru en 1997, regroupait des «Poèmes de printemps» et des «Poèmes d’été». Ayant mené à terme son projet d’écrire un poème par jour pendant une année, soit un cycle de 365 textes répartis sur quatre saisons, il publie à présent Les Saisons de l’ange II, qui contient les «Poèmes d’automne» et les «Poèmes d’hiver». Rarement le dandy de la poésie québécoise, qui brille souvent par un humour salutaire, a-t-il montré une telle gravité, une tristesse qui se marie bien
au rude climat de ce pays.
Quand, jour après jour, il se poste à sa fenêtre, prisonnier d’une campagne ensevelie sous la neige qui n’a de cesse de tomber, la solitude pèse, et l’amour enfui avec l’été, les nuits froides se succédant, la mélancolie, les idées de mort envahissent le poète. Alors que chaque poème devait être coiffé d’une citation contenant le mot «ange», c’est de plus en plus le mot «démon» qui s’inscrit dans la marge.
Mais d’abord, l’automne a été conjugué sur tous les tons de l’agonie, de l’abandon, du désespoir: «Je suffoque / Les vagues grises / Du vent d’automne / Violent mes yeux / Assiègent mon âme / De gestes saccadés / D’ombres rendues folles / Car le soleil bat de l’aile / Près du téléphone saigne / Ta voix coupée à vif / Et le vent diabolique / Force la lumière / À danser un tango féroce».
Puis l’hiver s’installe, froid, silence, immobilité: «Le long / L’interminable / Hiver / Un cadenas / Posé / À l’été / Dehors / Une chatte blanche / Pétrifiée / Miaule / Pour entrer / Dans la maison chaude / Aux fenêtres glacées». Poésie concrète aux accents parfois plus lyriques, on y entend le «Ah! comme la neige a neigé!» de Nelligan et le spleen de
Baudelaire causant sinistrement de ses amours défuntes.

Toutes douleurs unies
Écrivain, poète, essayiste, critique de poésie, professeur et éditeur, Normand de Bellefeuille a fait paraître, depuis 1973, de nombreux recueils de poèmes Il a reçu le prix Émile-Nelligan en 1984 pour Le Livre du devoir et le Grand Prix du Festival international de la poésie de Trois-Rivières pour Catégoriques un deux et trois, en 1996. Son plus récent recueil, au beau titre de La Marche de l’aveugle sans son chien, est une exploration émouvante et troublante du thème de la douleur, et un chant de l’amour qui en est souvent la source.
Divisé en trois parties, soit La mort est verticale (Douleur: chantée) – 1995, La fille qui était liège (Douleur: dansée) – 1999 et Chuchotons (Douleur murmurée) – 1989-1999, le recueil se termine sur un épilogue: un texte de chanson, Laisse-moi te parler du coeur, mis en musique par Sylvain Lelièvre, dont la partition est reproduite.
Avec des mots lourds de sens, le poète cerne la douleur au plus près de ce qu’elle est et n’est pas: «Il n’y a pas de chiffre à la douleur», «la douleur n’est pas de l’ordre du bruit», «la douleur bien sûr est carnivore». Tout un bestiaire est mis à contribution: «Les douleurs / ne crient pas toutes / celles du soir / ne crient pas / rampent plutôt / avec le luxe maximum / des animaux à écailles / rampent jusqu’aux lieux / les plus secrets / du coude ou de la nuque / ce sont / les petites salamandres du soir / celles que l’on croit immobiles / alors qu’elles nous narguent / de tous leurs anneaux / ne crient pas, nous narguent / et rampent jusqu’aux lieux / les plus secrets, ricanantes / jusqu’au centre des dents / contre le
coeur éclaté / de sucre et de bière et de viande».
Il faudrait pouvoir tout citer de la suite, où des passages sublimes disent l’amour perdu, hymne souffrant de l’homme laissé à lui-même et qui inexorablement va vers la mort. Les poètes, lorsqu’ils le font si bien, sont aussi là pour exprimer cette douleur.

Les Saisons de l’ange II
de Jean-Paul Daoust
Éd. du Noroît, 1999, 150 p.

La Marche de l’aveugle sans son chien
de Normand de Bellefeuille
Éd. Québec Aérique, 1999, 118 p.