La Sensualiste – Barbara Hodgson : Sens dessus dessous
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La Sensualiste – Barbara Hodgson : Sens dessus dessous

Barbara Hodgson signe un roman sur les cinq sens, le corps humain et l’histoire de l’anatomie. Intrigant, mais pas toujours facile à suivre…

Barbara Hodgson

est photographe, directrice artistique, et a écrit plusieurs ouvrages dont Opium, histoire d’un paradis artificiel, et La Carte tatouée, parus respectivement en 1999 et 1997. Cette Vancouvéroise vient de publier en français La Sensualiste, un roman construit symboliquement autour des cinq sens. Intrigant, non? Ajoutons à cela que l’édition de ce livre est plus que luxueuse, avec son papier épais, presque cartonné, et ses planches couleurs qui essaiment l’ouvrage, et on a presque entre les mains un livre-culte.
Helen Martin est spécialiste de l’illustration anatomique ancienne. Pointu, n’est-ce pas? Un jour, son mari disparaît, lui qui était parti en Europe pour un reportage sur les faux tableaux. Deux mois qu’Hélène n’a plus de nouvelles de lui: elle décide de se lancer à sa recherche.
Dans le train qui la conduit à Vienne, une dame étrange lui remet une boîte contenant plusieurs objets hétéroclites dont une phalange, une loupe, des fioles, des fragments de verre, un livre sur l’anatomie.«C’était une boîte lourde et solide dont le contenu en bougeant faisait un son étouffé. Le couvercle en était recouvert d’une plaque de verre dont la surface était rayée et entaillée, protégeant des diagrammes anciens et complexes du corps humain, imprimés sur papier.»
Bien sûr, cette rencontre n’est pas un hasard: Helen sent son corps se transformer au fur et à mesure que se déroule l’histoire, ses cinq sens disparaître les uns après les autres; et cette femme du train n’est pas étrangère à la métamorphose, comme le prouvera la suite du récit. L’héroïne atteint finalement le but de son voyage et part à la recherche de son mari, écumant musées et hôtels pour retrouver sa trace. Elle tombe sur une affaire qui la dépasse, mais la concerne au premier chef, puisqu’il s’agit d’un trafic de planches de bois, plus précisément des matrices servant à réaliser des illustrations qui accompagnaient un traité d’anatomie d’André Vésale, anatomiste du XVIe siècle.
Anselm, historin aveugle, qui sait lire les peintures et les gravures, la mettra sur des pistes fascinantes, lui indiquant les lieux qu’elle doit visiter pour résoudre l’énigme. «De ma part, vous n’obtiendrez pas ce que vous voulez. Vous aurez des questions et des labyrinthes, des contradictions et des affronts, mais surtout, vous obtiendrez les vérités terribles dont vous avez besoin pour trouver un homme qui n’aura pas seulement une identité de papier mais qui aura aussi des muscles, des nerfs, des tendons et des os.»
Conversations absconses qu’elle aura avec Anselm, et avec d’autres personnages tout aussi mystérieux; comme ce monsieur qui s’assoit toujours à la même table d’un salon de thé viennois, et qui fait des enquêtes sur les gens inscrits dans les pages du bottin téléphonique! «Le bottin pourrait vous stupéfier par ses scenarii complexes, ses intrigues entrecroisées et ses thèmes extrêmement développés. Ce n’est pas un livre simple à comprendre ou à interpréter. Puis-je vous en faire la démonstration?»
Bref, chaque chapitre apporte un peu plus d’obscurité à cette histoire sombre, pleine d’érudition, certes, mais dont malheureusement on saisit mal les intrigues. La métamorphose d’Helen est abstraite, théorique, mal expliquée au lecteur qui ne comprend plus très bien qui parle; l’action est difficile à suivre, à cause de personnages bizarres, mais peu définis. De plus, ce qui s’annonçait comme un thriller s’avère une série de mystères qui se résolvent sans éclat, désamorçant tout intérêt pour la lecture.
On ose croire que le récit tient mieux en anglais, langue originale de La Sensualiste. Cette idée de faire du corps et des sens le lieu d’une enquête philosophique constituait un sujet formidable. Il se pourrait également que les gens qui sont familiers avec l’histoire de l’art et de la médecine soient plus en mesure de comprendre les allusions aux savants, aux artistes et aux oeuvres, compréhension qui donnerait un sens aux énigmes posées par le texte.
Éd. du Seuil/Chronicle, 1999, 295 p.