Dict. des emprunts du français à l’anglais : Louer pour acheter
Ce n’est pas d’hier que la langue française pige chez sa cousine anglo-saxonne afin d’enrichir son vocabulaire. Le Dictionnaire des emprunts du français à l’anglais de LOUIS TARDIVEL retrace l’histoire de cette drôle de collaboration linguistique.
Louis Tardivel a la passion des mots, des langues et de leur évolution. Il avait déjà analysé les emprunts de la langue de Shakespeare à celle de Molière, déterminant que l’anglais empruntait trois à quatre fois plus au français que le français à l’anglais, comme il s’était intéressé à ce que la langue française devait aux autres langues, arrivant au constat qu’elle s’était enrichie de quelque 7 000 mots provenant de 170 langues et dialectes. S’attaquer aux emprunts du français à l’anglais était donc une étape logique dans son cheminement. «Mon but était de faire connaître la réalité des emprunts, les adaptations de l’anglais, les calques ou les anglicismes, explique M. Tardivel. On parle beaucoup d’anglicismes au Québec, mais j’ai remarqué qu’on n’avait jamais la mesure exacte.»
L’ouvrage de Louis Tardivel se trouve à être la recension systématique de tous les mots anglais répertoriés dans trois dictionnaires usuels, à savoir Le Petit Robert, Le Petit Larousse et le dictionnaire Hachette. À chacune des quelque 2 600 entrées présentées par ordre alphabétique, on trouve la nature du mot, sa provenance, le type d’emprunt ainsi qu’une brève définition. Certaines entrées sont complétées de données étymologiques, du synonyme français quand il s’agit d’anglicismes et de notes encyclopédiques. «\Ce dictionnaire est dans une certaine mesure une façon de m’élever contre le mauvais français, mais en aucun temps je ne blâme ou je ne tente de rejeter ces emprunts, explique l’homme de 82 ans. Ils sont là et c’est à chacun d’éviter certains pièges. Il y a des anglicismes ou des mots que l’on peut éviter car le synonyme français existe, comme il y en a d’autres qui enrichissent notre vocabulaire.»
Bien que l’ouvrage soit rigoureux, M. Tardivel a tenu à sortir de la simple recension factuelle afin d’ajouter quelques anecdotes amusantes à caractère historique, qui, en plus d’être reliées aux mots, nourrissent l’intérêt du lecteur. Ainsi apprend-on sous la rubrique «bootlegger» qu’Al Capone avaitcréé une soupe populaire à Chicago qui accueillait quotidiennement quelque 3 000 miséreux durant la crise économique de 1929 ou, sous la rubrique «Melba», que la pêche Melba a été créée par le célèbre cuisinier français Auguste Escoffier en l’honneur de la cantatrice australienne Nelly Melba. «Ce n’est pas un dictionnaire qui s’en tient seulement aux choses sérieuses; il faut s’amuser un peu!» lance Louis Tardivel avec un grand sourire, suggérant une visite à la rubrique «condom». À cette entrée, on apprend que le nom provient probablement de l’anglais condum, comme il est indiqué dans Le Petit Robert; s’ensuit une définition ainsi qu’une note encyclopédique où l’on fait le parcours du préservatif à travers l’histoire, des boyaux d’animaux aux prototypes de l’Italien bien nommé Gabriel Fallopius, qui inventa au XIVe siècle un ruban en fine pellicule de lin que l’on fixait à la base du phallus à l’aide d’un ruban rose.
Rarement aura-t-on autant souri en parcourant un dictionnaire. Chaque mot y revêt une personnalité propre. À propos, saviez-vous que le tennis aurait pu s’appeler le «sphairitique»?
Dictionnaire des emprunts du français à l’anglais,
de Louis Tardivel
Éditions du Sommet
1999, 420 pages