Patrick Brisebois : Que jeunesse trépasse
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Patrick Brisebois : Que jeunesse trépasse

Que jeunesse trépasse , de Patrick Brisebois, montre une ribambelle de jeunes à la dérive, incarnations, dirons-nous, de la jeunesse débranchée du Plateau Mont-Royal.

Le titre, jeu de mots initial d’un roman qui en compte trop, donne le ton. Premier livre de Patrick Brisebois, dont le talent semble n’avoir d’égal que la propension aux excès, Que jeunesse trépasse montre une ribambelle de jeunes à la dérive, incarnations, dirons-nous, de la jeunesse débranchée du Plateau-Mont-Royal.
Irénée, 24 ans, est le narrateur de cette non-histoire. Un garçon sympathique mais déprimé, qui va de petit boulot en petit boulot. Un ivrogne en devenir, qui s’agrippe aux jupes des filles comme pour freiner une chute inéluctable. Descente aux Enfers annoncée, que rythment de brefs non-chapitres – puisqu’il n’y arrive rien sinon des cuites et des amourettes volages – aux titres scatologiques ou nihilistes: Irénée au pays de la marde; La vie comme une vivisection; Broyer du noir et l’appliquer.
N’y a-t-il que le drame, pour secouer nos oiseaux de naufrage? Irénée en a bien peur. Quand la mort vient croquer deux de ses copains, à quelques jours d’intervalle, la peine est vive mais peut-être pas autant que l’excitation causée par l’événement, le premier depuis des lustres. Ce chapitre porte un titre sur mesure: Le malheur, enfin!
Si les liens entre les copains se raffermissent un temps, le quotidien reprend vite ses droits, et l’existence demeure ce qu’elle a toujours été: une vaine quête identitaire. «Il devrait pourtant y avoir des limites au bout de la marde. Mais ça n’en a pas l’air. La vie est comme le jeu de Monotony… elle est faite pour tourner en carré. Quand on franchit un coin, on s’imagine qu’on va se pigmenter à du nouveau mais c’est des mensonges qu’on se fait. On retombe dans les mêmes avenues et les mêmes motels miteux.»
Il y a beaucoup de longueurs dans ce livre, mais des longueurs volontaires, dont on pourrait dire qu’elles participent de la structure interne du récit. De quoi s’agit-il, en effet, sinon du portrait de jeunes pour qui la vie rime avec insignifiance et ennui?
Touffu comme une jungle, ce bouquin paraît tissé de phrases implacables atant que de gaucheries assumées: «Chère page, dois-je t’entretenir à nouveau un peu de moi? Que désires-tu de plus de ton pauvre maître? […] Je ne fais pas de littérature, grand Diable merci! Les Lettres n’existent pas. Ça ne vaut pas plus que les vidéoclips et le génital.»
Petit roman sombre aux ambitions stylistiques démesurées, Que jeunesse trépasse marque l’entrée en matière d’un authentique écrivain, qui cherche sans doute à paraphraser, 240 pages durant, ces quelques mots de Louis-Ferdinand Céline: «Votre monde dévore tout le reste. Vous êtes seul. Et soutenu par le style. Les poètes n’ont pas de vie intérieure. Les écrivains sont en général des bafouilleurs.» Quelques mots placés en exergue par l’auteur, en guise de bienvenue. Éd. de l’Effet pourpre, 1999, 240 p._____