James Lee Burke : Cadillac juke-box
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James Lee Burke : Cadillac juke-box

James Lee Burke , écrivain américain de polars se renouvelle sans verser dans les effets de mode. Même ses romans plus ordinaires demeurent supérieurs à la moyenne. Loin d’être un nouveau venu, le père d’un des flics les plus touchants de la littérature américaine nous ramène son singulier Dave Robicheaux.

James Lee Burke

, écrivain américain de polars se renouvelle sans verser dans les effets de mode. Même ses romans plus ordinaires demeurent supérieurs à la moyenne. Loin d’être un nouveau venu (c’est son dixième titre chez son éditeur français), le père d’un des flics les plus touchants de la littérature américaine nous ramène son singulier Dave Robicheaux (qui a été incarné au cinéma par Alec Baldwin), avec sa petite famille reconstituée et son raton laveur à trois pattes, dans les bayous de la Louisiane.
Si l’on suit cette série de polars depuis les débuts, on est inévitablement entré dans l’intimité de ce policier cajun pour qui la vie n’a pas été facile (sa première femme a été tuée, il a déjà perdu son boulot à cause de l’alcoolisme, il est hanté par la guerre de Sécession américaine…). C’est un idéaliste qui préférerait défendre la justice plutôt que la loi, et qui a le don de s’attirer les ennuis des autres. C’est qu’on aimerait bien tous avoir un Dave Robicheaux à soi pour prendre soin de nos problèmes. Et il est de ce genre de flics que même la mafia respecte!
Cette fois encore, le récit poursuit plusieurs pistes qui, on s’en doute, finiront bien par s’enchevêtrer. On suit donc l’élection de Buford LaRose au poste de gouverneur de la Louisiane, un jeune richard de grande famille qui se shoote à l’héroïne et qui magouille avec la pègre et les poètes psychédéliques (un des personnages rappelle William Burroughs). Du même coup, on traque sa femme, Karyn LaRose, vamp fatale, emmerdeuse de haut niveau, ex-amante, dans une autre vie, de l’ami Robicheaux. Ce qui ne sera pas sans troubler la quiétude familiale du policier cajun.
D’autre part, une équipe de cinéma enquête, à ses risques et périls, sur une possible erreur judiciaire dans le cas d’Aaron Crown, ex-membre du Ku Klux Klan emprisonné pour le meurtre d’un leader de la défense des droits des Noirs. Robicheaux le croit innocent. Mais sa culpabilité fait l’affaire de bien des gens dans les milieux politique et criminel.
Une fis Buford LaRose élu, les vieux amis louches qui ont financé la campagne du nouveau gouverneur veulent avoir leur part du gâteau du pouvoir. Et le tueur à gages engagé pour faire un peu de ménage dans tout ce bordel s’avère être un psychotique ultraviolent. Le tout sur fond bigarré d’un mélange de Louisiane profonde, de Nouvelle-Orléans décadente, de ranch mexicain et de cocktails politiques. Explosif? Surtout quand l’auteur se garde bien de porter des jugements moralisateurs sur les actes pervers de ses personnages. Donc, heureusement, plus souvent qu’autrement. Excessif? Surtout quand le prisonnier Aaron Crown s’évade pour régler ses vieux comptes. Sa dérive meurtrière glisse en parallèle avec celle de Mookie Zerrang, le tueur à gages de la mafia, qui a aussi de grosses frustrations face à la société raciste du Sud des États-Unis. Et beaucoup de difficultés à se contrôler.
Le paysage de la Louisiane a beau être champêtre; les marécages baignent bien vite dans le sang. Même que Burke donne plus que jamais dans le dégueulasse. Ça vous tourne l’estomac à quelques occasions et donne envie de lire les yeux fermés.
Si vous ne connaissez pas James Lee Burke et son attachant Dave Robicheaux, il faut, avant de chevaucher cette Cadillac juke-box, faire un tour du côté du magnifique Dans la brume électrique avec les morts confédérés, un très grand roman de la littérature américaine contemporaine. Après, de toute façon, vous voudrez lire tous les autres… Éd. Rivages Thriller, 1999, 344 p