Lionel Meney
est professeur de linguistique à l’Université Laval. Tout au long de ses 30 années de carrière, il a su observer les besoins de ses étudiants ainsi que les problèmes récurrents qu’ils éprouvaient envers le français québécois. «Les Québécois ont besoin de placer leurs mots par rapport au français général, de déterminer ce qui est typiquement québécois, ce qui n’est pas français, ce qui est acceptable, etc. Or il n’y avait pas d’ouvrage leur permettant de le faire», explique-t-il.
Le linguiste d’origine française a donc décidé de mettre à profit son aisance en français québécois et en français européen en vue de combler cette lacune. Il est parti en quête de tous les mots, termes, expressions ou usages propres aux Québécois: 10 années durant, il a dépouillé de façon systématique journaux, revues, livres, dictionnaires, chansons, émissions de télé ou de radio du Québec, puis il en a fait autant du côté de la France, afin de trouver le terme ou l’expression qui correspondait en tout point à celle qu’il avait trouvée en français québécois.
Quelque 9 000 mots ont ainsi été répertoriés. On y retrouve les mots partagés avec le français standard comme «bête», qui veut généralement signifier «désagréable» au Québec, mais qui, ailleurs dans la francophonie, réfère à «idiot», les dialectismes («canter»), les archaïsmes («s’abrier»), les provincialismes («bec»), la langue de mer («gréyer») les incontournables blasphèmes, les emprunts à l’anglais («big shot», «balloune») ou à l’amérindien («carcajou») et les créations lexicales («épluchette»).
À chacun de ces mots, le professeur s’est efforcé d’indiquer les différentes orthographes non standard, la catégorie grammaticale, les diverses acceptions, une citation d’un ouvrage ou d’un personnage québécois en guise d’exemple, les expressions fréquentes, les équivalents en français standard, la marque d’usage et, enfin, l’étymologie ou la provenance.
Sur bien des plans, l’ouvrage est l’occasion de faire des découvertes sur l’histoire exicale de la Belle Province. On y apprend, par exemple, que «tuxedo» provient d’un chic club amérindien où le port du smoking était de mise, ou encore que «maganer» provient de l’ancien et du moyen français «mahaignier» ou «mehaignier». Mais le Dictionnaire québécois français n’est pas que sérieux: on y rit passablement en apprenant à distinguer les différentes nuances entre «frais, froid, fret et fret en tabarnak» ou par le biais de rubriques humoristiques dont les blagues ne peuvent être comprises que par le sens québécois donné aux mots.
Enfin, en plus de servir de référence, le dictionnaire de Lionel Meney s’avère un témoin précieux de notre histoire, l’auteur ayant pris soin de recenser les mots provenant directement de notre culture tels «Jos Violon», «felquiste» ou «Samedi de la matraque». «Il y a des pans entiers du vocabulaire québécois qui ont disparu des jeunes générations, des mots très importants pour comprendre la littérature ou l’histoire québécoises d’avant ou même d’après-guerre, explique Lionel Meney. Maintenir un lien culturel entre les générations est aussi la fonction d’un dictionnaire.»
Dictionnaire québécois français,
de Lionel Meney
Guérin
1999, 1884 pages