Joseph Bunkoczy : La Tour
Livres

Joseph Bunkoczy : La Tour

Voici le premier roman de Joseph Bunkoczy, La Tour. Thriller urbain, bien ficelé, à l’écriture pourtant simple.

D’origine hongroise, né à Szeged en 1949, Joseph Bunkoczy vit au Québec depuis une trentaine d’années. Peintre et écrivain, actuellement agent de recherche au ministère de l’Immigration, après avoir été ingénieur pendant seize ans, il a peut-être gardé de ce dernier métier une fascination pour les détails de construction des édifices.
C’est ce qu’on peut croire à la lecture de son premier roman, La Tour, une sorte de thriller urbain très étrange, où se déploie un univers insolite, flirtant avec le fantastique et le surréalisme. L’histoire se passe dans une ville imaginaire, innommée, et plus particulièrement dans un quartier de cette ville sans doute futuriste: bien que la fable ne soit pas datée, l’état de délabrement du quartier en question rappelle ces cités périphériques abandonnées aux démolisseurs et aux squatters.
Autour d’une place sertie d’une fontaine, des édifices à peu près déserts. Dans l’un d’eux, un couple d’amoureux, Geme et Liane, à qui se joindra bientôt Bus, un colosse au bon coeur qui sauvera Geme des mains des «hommes-chiens», sorte d’escadron de la mort à la solde de Van Wreck, l’omnipotent maître de la tour qui domine la place et l’esprit de ses habitants.
Car dans ce quartier où les passants sont rares, tous et toutes sont obsédés par la tour, imprenable bunker auquel seuls des gens riches descendus de voitures noires aux vitres opaques ont accès. Des tas de rumeurs courent, notamment à propos de femmes qu’on y emmène et qu’on ne revoit jamais. Aidé de ses amis Bus et Liane, Geme va tenter de percer le secret de la tour et il ira de surprise en surprise, d’épreuve en épreuve. «Depuis le temps qu’il voulait entrer dans ce sanctuaire mystérieux, sa curiosité exacerbée, avide de la moindre parcelle d’information, lui avait fait cet étrange sort; c’est la tour qui était entrée en lui. Elle s’était glissée par les chemins détournés de ses sens et aussi, simultanément, par le contact direct des cellules de son corps. Ce qu’il y avait dans la tour était aussice qu’il y avait en lui; une partie de lui-même qu’il ne connaissait pas bien et qui, enfouie dans la pénombre de son instinct, s’était éveillée et avait répondu à cet appel primaire par une réaction atavique, comme un animal qui se souviendrait de ses origines préhistoriques.»
Écrit dans une langue simple, mais d’une précision quasi maniaque, le roman alterne des descriptions nombreuses, parfois longuettes, et des scènes d’action aux rebondissements inquiétants. La Tour se lit pourtant sans ennui.
Le mystère incessant qui hante ces pages ne donne aucun répit au lecteur, qui veut connaître le fin mot de l’histoire. Que le dénouement soit tel que l’énigme de la tour est à peine percée, que la terrible puissance maléfique qui s’y cache demeure, n’altère en rien le plaisir de la lecture. On attendra avec intérêt le second titre de Joseph Bunkoczy, Temps mou, à paraître ce printemps. Éd. Trait d’Union, 1999, 208 p.