Livres

L’édition à Québec : Prendre du volume

La région de Québec a vu croître plusieurs maisons d’édition, dont certaines rayonnent à travers la francophonie. Cette année, le Salon du livre leur accorde une visibilité particulière.

La région compte une quinzaine de maisons d’édition. Si certaines publient moins de 10 titres par année, d’autres sont parmi les plus actives des maisons québécoises. Voici un bref portrait des éditeurs qui se démarquent par leur dynamisme, leur audace et leur succès.

L’instant même est l’un des fleurons de l’édition d’ici. Depuis près de 15 ans, son fondateur et directeur Gilles Pellerin la mène de main de maître, débusquant régulièrement de jeunes auteurs prometteurs (Lori Saint-Martin, Serge Lamothe) et confirmant des écrivains de métier (Claire Martin, Hugues Corriveau). La maison, dite la maison de la nouvelle, a depuis quelques années diversifié ses activités. L’instant même publie désormais des romans, des récits et, depuis peu, des essais. «Nous ne faisons pas moins de nouvelles, au contraire, dit Gilles Pellerin. Nous avons seulement accru notre rythme de production, qui était d’environ six titres par année, pour atteindre près de 20. Ce qui est un maximum, étant donné le travail que ça représente. On peut donc dire que L’instant même a atteint son rythme de croisière.»

Le Loup de gouttière, dont on fête les 10 ans cette année, est une autre de nos maisons bien implantées. Une maison où l’on jumelle arts littéraire et visuel, chaque texte étant accompagné d’illustrations. À l’origine, Le Loup se consacrait à la poésie, mais a aussi ouvert ses portes à d’autres genres (roman, nouvelle, roman jeunesse). Francine Vernac, fondatrice et directrice de la maison, a ainsi favorisé l’émergence de plusieurs auteurs de la région (Sylvie Nicolas, Gabriel Lalonde).

Qu’est-ce que représente un dixième anniversaire pour une maison d’édition? «J’ai l’impression qu’une étape vient de se terminer», raconte Francine Vernac, visiblement heureuse d’être encore là, 10 ans plus tard. «Il y a une crédibilité qui s’installe. On a "duré" 10 ans, et franchement, ça a quelque chose d’héroïque! Dix années qui ont été parfois heureuses, parfois plus difficiles. Quoi qu’il en soit, l’anniversaire est une occasion de réflexion; nous précisons de quoi sera faite la suite.» Les 10 prochaines années verront sans doute Le Loup de gouttière s’engager plus loin sur de nouvelles avenues, celle du livre jeunesse, entre autres: «"Les petits loups", notre collection jeunesse, est en plein essor. Lancée en décembre 1998 avec trois titres, elle en comptera bientôt une quinzaine.»

Pour souligner le dixième anniversaire du Loup, le Salon du livre lui consacre une soirée. Le 14 avril à compter de 20h, on pourra rencontrer les auteurs et écouter des extraits de leurs textes.

Des chiffres et des lettres
Rares sont les éditeurs qui vivent grassement. Les frais reliés à la production d’un livre sont tels que ces derniers doivent souvent calculer serré, même si la subvention à l’édition est importante et peut représenter plus de 50 % des rentrées d’argent.

Francine Vernac admet que parfois, les contraintes sont épuisantes. «Régulièrement, les jours de grisaille, on pense à arrêter tout ça. C’est tellement difficile. Pourquoi je continue? La passion, qui est intacte, celle de l’art et de la littérature. Une foi dans ce travail que j’ose croire marquant pour quelques individus. Je me dis parfois que si l’aventure a été importante, ne serait-ce que pour quelques auteurs et lecteurs, ça en valait le coup.»

En effet, s’il y a bien un domaine où le succès ne se mesure pas qu’en augmentation du chiffre d’affaires, c’est bien celui-là. N’empêche qu’un éditeur ne veut pas seulement empiler ses bouquins sur les tablettes des librairies. «On ne fait pas ça que pour faire du commerce, mais il faut bien les vendre, nos livres, dit Gilles Pellerin. Si on fait des livres qui ne sont pas lus, on fait fausse route. Cela dit, il faudrait en vendre beaucoup plus pour que ce soit vraiment rentable.»

L’un des meilleurs exemples de dynamisme en matière d’édition est celui de la maison Alire.

Fondée en 1996 par Jean Pettigrew, la maison Alire a connu un essor formidable. Spécialisée en littérature de genre, donc science-fiction, fantastique, horreur, Alire oeuvre dans un créneau dont le potentiel était à peine exploité. Quand on sait que 60 % des romans lus au Québec font partie des littératures de genre, on comprend que Pettigrew ait visé juste. Alire publie entre autres les Élisabeth Vonarburg, Esther Rochon et Jean-Jacques Pelletier. Le site Internet de la maison, très complet, vous en apprendra davantage: www.alire.com

Les éditions du Septentrion, une maison tenue par Gaston Deschênes, assurent pour leur part la diffusion de livres d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie ( www.septentrion.com ). Leur plus grand succès commercial est sans nul doute L’Histoire populaire du Québec, de Jacques Lacoursière, dont le seul premier tome s’est écoulé à plus de 50 000 exemplaires.

Autre maison prolifique, les bien connues Presses de l’Université Laval (PUL), dirigées par Benoît Bernier, permettent depuis 1950 la diffusion des résultats de la recherche universitaire québécoise, ce qui représente pas moins de 70 titres par année (ouvrages spécialisés, vulgarisation scientifique).

Vitrine Internet
À l’heure où Internet devient un outil de communication incontournable, et même si les nouveaux médias effraient certains acteurs du milieu du livre, la plupart des éditeurs s’y intéressent. Les éditions de L’instant même, par exemple, ont développé un site original www.instantmeme.com. «On ne se sert pas du site dans une perspective de commerce électronique, explique Gilles Pellerin. On laisse le travail de vente aux libraires. Par ailleurs, nous avons créé un répertoire assez considérable d’information qui porte sur la nouvelle. C’est ni plus ni moins un atelier pédagogique virtuel, constitué de fiches portant sur une vingtaine de titres. Un bon outil pour les professeurs qui enseignent la nouvelle, entre autres.»

De leur côté, les gens du Loup de gouttière font partie des quelques irréductibles. «Ça ne me semble pas être une priorité, le Web, raconte Francine Vernac. Je suis très sensible à l’objet-livre, moi, à sa matière. Je ne refuse pas du tout Internet, mais je ne projette pas d’y diffuser mes livres. Je continue à croire qu’il y a une place pour le livre qui dure, un livre qui n’est pas du fast-food et qu’on ne délaisse pas au bout de quelques semaines.»

Littérature en tous genres
D’autres maisons d’édition publient un peu moins de livres mais, bon an mal an, poursuivent un travail essentiel, dans des secteurs parfois pointus. Les Éditions de la Huit, par exemple, se spécialisent en réédition de textes du siècle dernier. Des oeuvres de fiction, autrefois publiées dans les journaux, ou encore des livres désormais introuvables y renaissent.

Éditeurs moins connus, Le Griffon d’argile, Fleurbec éditeur, MultiMondes et les éditions docteur sax vous seront moins étrangers quand vous aurez consulté le site officiel du Salon du livre, où une page leur est consacrée: www.silq.org/edition

Du 12 au 16 avril
Au Centre des congrès de Québec
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