Sylvie Weil : Les Vendanges de Rachi
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Sylvie Weil : Les Vendanges de Rachi

Par son sujet, Les Vendanges de Rachi aurait pu être un livre austère et inaccessible à quiconque n’est pas familier avec la culture juive. Mais Sylvie Weil a su rendre intéressante la vie de Rachi, érudit du moyen âge dont le savoir se répercute jusque dans le New York d’aujourd’hui.

Pour beaucoup de monde, le personnage de Rachi est inconnu. Mais chez les juifs pratiquants, écrit Sylvie Weil dans le prologue du roman qu’elle lui consacre, «un enfant de cinq ans sait qu’en bas de chaque page de la Bible qu’on lui apprend à lire en hébreu, figure un commentaire introduit par les trois lettres qui forment ce nom». Né à Troyes en 1040, Rachi, propriétaire d’un vignoble, travailleur infatigable, père de nombreux enfants, a fondé une école rabbinique qui aurait été l’une des plus importantes du Moyen Âge. Ses commentaires visaient à rendre compréhensibles les Écritures, même à ceux qui n’avaient pas d’instruction. Car à l’époque où vivait Rachi, celle des premières croisades et des persécutions, les juifs dispersés se devaient de demeurer unis, où qu’ils soient, autour d’une
connaissance commune des enseignements les plus anciens.
Sylvie Weil (qui, incidemment, était l’une des invitées à la dernière Rencontre internationale des écrivains) a vécu en France, où elle a fait des études supérieures en lettres, avant d’aller s’installer à New York où elle écrit et enseigne. Elle est également la nièce de la grande philosophe Simone Weil (1909-1943). Peu connue ici jusqu’en 1987, année où elle faisait paraître, aux éditions Québec/Amérique, une nouvelle remarquée à l’intérieur d’un collectif intitulé Plages, Sylvie Weil a déjà publié plusieurs recueils de récits brefs, dont À New York il n’y a pas de tremblements de terre (Flammarion), qui remportait le prix George Sand en 1985. Des livres que la lecture de ce premier roman nous donne envie de découvrir, à rebours, tant l’écriture de cette femme de lettres est originale, solide, empreinte d’érudition et de grâce.
Par son sujet, Les Vendanges de Rachi aurait pu être un livre austère et inaccessible à quiconque n’est pas familier avec la culture juive. Mais Sylvie Weil ne s’est pas enfermée à l’intérieur des limites du genre biographique. Son roman met en scène une jeune femme, alter ego de l’auteure, qui un jou se rend à Brooklyn pour rencontrer un marchand juif
dont elle a entendu dire qu’il serait le descendant direct de Rachi. C’est donc dans la boutique poussiéreuse de Monsieur Voïnitzer, où règne un joyeux bric-à-brac, les aspirateurs côtoyant les réveille-matin et les rasoirs électriques, que la quête de «celle qui écrit sur Rachi» commence.
À partir de là, nous allons passer du Brooklyn du XXe siècle à la région de Champagne au XIe. Et à travers les témoignages du marchand, ceux de sa fille, qu’il désespère de marier, et qui a le vilain défaut d’étudier, quasi en cachette, le Talmud et la Torah, ceux, aussi, de clients juifs de passage, curieux et intéressés, nous allons découvrir un personnage
auréolé de formidables légendes qui ont traversé les siècles.
Outre Rachi, dont on ne saura peut-être jamais toute la vérité, le livre de Sylvie Weil aborde plusieurs sujets, dont celui de la traduction, des défis qu’elle soulève, de la nécessité d’adapter, d’interpréter; de l’importance de l’instruction quand il s’agit d’avoir l’esprit ouvert, et de l’utilité, tant au XIe qu’au XXe siècle, d’instruire autant les femmes que les hommes.
Éd. Flammarion, 2000, 302 p.