André Farhat : Match
Livres

André Farhat : Match

Le premier livre d’André Farhat, jeune Montréalais de 24 ans, court roman ou longue nouvelle, intitulé Match, contient tout ce qu’on peut déplorer d’un mauvais livre: coquilles et fautes de syntaxe, absence de style et maladresses répétées, histoire distillant l’ennui et l’agacement. Il y avait pourtant là un beau sujet de départ.

Ce n’est jamais rendre service à un écrivain débutant que de publier une oeuvre non aboutie ou carrément inintéressante. Si l’éditeur grossit ainsi la masse de ses publications éligibles aux subventions, il n’est pas dit que l’auteur, lui, s’en relèvera. Le premier livre d’André Farhat – jeune Montréalais de 24 ans – court roman ou longue nouvelle, intitulé Match, contient tout ce qu’on peut déplorer d’un mauvais livre: coquilles et fautes de syntaxe, absence de style et maladresses répétées, histoire distillant l’ennui et l’agacement. Il y avait pourtant là un beau sujet de départ.
Le personnage principal de ce récit, Alex Laslo, a vingt ans et, comme bien d’autres de sa génération, il se croit à la fois talentueux et promis à un brillant avenir, mais se révèle incapable de mener à terme quelque projet que ce soit; il n’arrive pas, malgré les meilleures intentions du monde, à réaliser ses rêves, et s’enfonce peu à peu dans la déchéance. En disant «il» au lieu d’un «je» qui aurait peut-être été plus approprié, en voulant mettre une distance entre son héros et lui-même sans pour autant réussir à en faire un personnage à part entière, l’auteur s’est donné un ton désincarné, cérébral, abstrait, qui ne le sert pas.
Vivant seul avec sa chatte Lula, dans un immeuble à logements décrépit, Alex Laslo est beau et on nous le répète à satiété; à l’en croire, il a tout pour réussir et il suffirait qu’il trouve le domaine où ses talents pourraient s’épanouir pour devenir une vedette, une sommité, un génie, rien de moins. L’ennui, c’est qu’il voudrait réussir sans effort. «Il avait flirté avec l’écriture et s’était jugé décevant, écrit André Farhat. Mais, il n’avait que flirté: trouver des sujets, monter une structure et y draper des étoffes formaient dans leur ensemble une tâche trop fastidieuse pour qu’il puisse arriver à un résultat rapide, mais tout de même satisfaisant.»
Voilà qui résume un malentendu trop répandu chez plusieurs apprentis-écrivains, à savoir qu’on peut parvenir à un résultat apide en écriture. L’ébauche de roman que nous avons ici ressemble fort à un premier jet, qui, s’il n’a pas fait l’objet d’une réécriture nécessaire de la part de l’auteur, aurait dû, au minimum, passer entre les mains d’un correcteur digne de ce nom. Des phrases comme: «Par ce deuil, il s’en remettait à lui-même, et ainsi trouver la vie à travers lui» – on pourrait en citer d’autres et des paragraphes entiers – ne sont pas dignes d’un éditeur sérieux.
Alex Laslo voudrait lire, lire et devenir un érudit, mais il préfère boire; il voudrait plaire en société, il voudrait créer quelque chose, sûr de son génie, mais il se limite à l’alcool. Vêtu de ses plus beaux atours, il sort et boit, rencontre de mauvais compagnons de jadis et ensemble, ils font des mauvais coups. Alex rentre soûl, pitoyable, blessé. Sa voisine, une jeune peintre du nom de Catherine, le recueille et le soigne, voudrait l’aimer
mais leur relation ne sera pas non plus un succès. Tout cela est raconté dans un style lourd, laborieux. L’auteur a choisi de s’attacher aux méandres de la pensée de ses personnages, en décrivant par le menu leurs hésitations, leur confusion mentale. Mais son récit est
répétitif, à la fois prétentieux et geignard, et jamais le personnage d’Alex Laslo ne nous apparaît attachant, voire intéressant. Qui plus est, on termine la lecture de ce pensum sans avoir appris ce qui en justifie le titre, Match étant un obscur personnage nommé à peu près trois fois sans qu’on en sache davantage.

Éd. Balzac-Le Griot, 1999, 112 p.