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Martine Potvin : Les Cercles au-dessus de nos têtes

S’il fallait faire le décompte des enfants abandonnés, laissés à eux-mêmes, dans les romans québécois, on aurait aisément de quoi en remplir un orphelinat. La mère des deux protagonistes des Cercles au-dessus de nos têtes, de Martine Potvin, elle, est partie sans crier gare, pour les beaux yeux d’un homme.

S’il fallait faire le décompte des enfants abandonnés, laissés à eux-mêmes, dans les romans québécois, on aurait aisément de quoi en remplir un orphelinat. La mère des deux protagonistes des Cercles au-dessus de nos têtes, elle, est partie sans crier gare, pour les beaux yeux d’un homme. Délaissées, en plus (quand ça va mal…), par un père camionneur qui, entre deux voyages, se console dans les bras de compagnes éphémères, les deux jeunes filles cherchent un sens à cette absence, se débattent pour trouver leur place dans l’arène du monde. La vie, mode d’emploi.
Parallèlement à la douloureuse quête de Rachel, la cadette enragée qui rue dans les brancards, et à la fragile et rêveuse Adèle, ce roman à plusieurs voix donne la parole à quelques autres personnages, dont Éveline, qui travaille à la foire du parc Beaumont à côté, partenaire de son amoureux, le lanceur de couteaux. On découvre peu à peu qu’elle est étrangement liée au mystérieux sort de Faustine, la mère enfuie.
Martine Potvin n’a certes pas choisi la voie de la facilité. Il faut passablement de patience pour traverser ce premier roman, verbeux, très inégal, lourd de grandes intentions et d’une écriture aux velléités poétiques. Après un début pas si mal, qui révèle quand même de la sensibilité, quelques belles images, Les Cercles au-dessus de nos têtes s’enfonce dans un magma tragique et complaisant, où une émotion déclinée à la première personne («j’ai mal, maman») agace souvent plus qu’elle ne touche.

On se lasse vite de ces longs monologues intérieurs, d’un style qui paraît parfois emprunté, non exempt de maladresses d’écriture ou de grandiloquence. Les dialogues dérivent d’échanges réalistes à des phrases sentencieuses. Flirtant avec le grotesque, avec ces êtres difformes exhibés au voyeurisme de la foule (une pratique qui date, mais bon, on n’est pas ici dans la vraisemblance…), l’histoire est prétexte à un conte noir sur notre appétence de misère humaine, sur la violence du monde, «sous l’emprise de dieuxsadiques». Les femmes y sont des belles au bois dormant, réveillées par l’amour, mais plus souvent victimes du désir des hommes.
Malheureusement, la narration ne parvient pas à donner de la consistance à cet univers qui frôle l’évanescence. On n’y croit pas. Et la critique du monde ne dépasse guère la révolte d’ado de Rachel devant la société de «grosse consommation», les exploiteurs et les monstres qu’elle produit.

Martine Potvin nous parle aussi du courage que nécessite la vie; du temps, qu’il faut habiter pleinement; de la difficulté d’être soi-même, à la hauteur de ses désirs. De beaux thèmes, noyés ici dans le fatras des phrases enfilées à la chaîne. Pour ses débuts romanesques, peut-être qu’une plus grande simplicité – et une plus forte rigueur d’éditeur? – aurait mieux servi son entreprise.

Éd. Québec/Amérique, 2000, 282 p.